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une mission extérieure pour annoncer et accomplir ces mystères parmi les hommes. Ainsi, les anges supérieurs reçoivent rarement une mission extérieure, c’est pourquoi Daniel, vii, les appelle assistants et les distingue des anges employés à des ministères. Cependant les anges les plus élevés ou quelques-uns d’entre eux sont quelquefois envoyés dans le monde extérieur. Il résulte en effet de divers textes, Is., lxiii, 1 ; Ephes., iii, 10, que beaucoup d’anges ignorèrent l’incarnation jusqu’à la passion du Sauveur ou la prédication des apôtres. Cependant ce mystère était connu de l’ange Gabriel envoyé à Marie pour le lui annoncer. C’est une preuve que c’était un ange des ordres supérieurs. IV Sent., l. II, dist. X, q. unica ; Reportata, l. II, dist. X, q. il.

2. Action des anges sur l’homme.

Duns Scot se sépare encore de saint Thomas au sujet de la manière dont les anges peuvent instruire les hommes. Ils le peuvent, dit-il, en prenant un corps pour nous parler ou en mettant sous nos yeux les objets qui nous instruiront. Mais le besoin que notre intelligence a d’images sensibles empêche l’ange d’y imprimer des concepts comme dans l’intelligence des autres anges. Il ne peut non plus former des images, ni en transporter dans notre imagination ; il a seulement le pouvoir d’écarter les obstacles qui empêcheraient notre imagination d’agir. L’ange est-il capable de fortifier notre intellect agent en y ajoutant l’action du sien ? Scot semblait le croire dans le commentaire des Sentences qu’il fit à Oxford ; mais dans celui qu’il publia ensuite à Paris, il rejette ce sentiment : l’ange, dit-il, est aussi impuissant à fortifier l’intellect agent, qu’à produire un concept dans l’entendement humain ; car l’intellect agent de l’ange ne saurait faire des abstractions que pour son propre entendement. Duns Scot reconnaît que ces difficultés rendent l’action des anges gardiens sur nous moins efficace, bien qu’ils nous aident beaucoup en nous défendant contre les démons et en écartant de nous ce qui pourrait nous nuire. IV Sent., l. II, dist. XI, q. unica ; Reportata, l. II, dist. XI, q. I.

III" suarez. — I. Adoption et interprétation des opinions de saint Thomas d’Aquin. — Suarez suit les enseignements de saint Thomas au sujet des missions angéîiques, des anges gardiens et de la manière dont l’ange agit sur l’entendementetla volonté de l’homme. Il précise ces enseignements en deux points où il prétend rendre la véritable pensée du docteur angélique. Il remarque que le ministère des anges vis-à-vis des créatures sensibles se rapporte à l’homme et à sa fin surnaturelle. Il en conclut que ce ministère rentre par conséquent toujours dans celui des anges gardiens et que le rôle surnaturel assigné ainsi aux anges d’après la doctrine catholique est bien supérieur aux fonctions de moteur des astres, qui leur était attribué par certains philosophes païens. De angelis, l. VI, c. xvii, n. 5. Voir plus loin Angélologie parmi les averroïstes latins. — Saint Thomas enseignait que l’ange nous éclaire d’une manière objective, en faisant produire à notre imagination des images qui s’oll’rentà notre intelligence. C’est aussi l’avis de Suarez. Saint Thomas ajoutait que l’ange fortifie en même temps l’intelligence humaine. Suarez interprète ce texte en ce sens que l’ange fortifie notre entendement par la manière plus parfaite dont il lui présente les objets à comprendre. Il ramène par conséquent toute l’action de l’ange sur l’intelligence humaine à la production des images sensibles par lesquelles l’ange dirige notre entendement. lbid., l. VI, c. xvi, n. 21. A son avis cette illumination de notre intelligence est le moyen le plus efficace que l’ange possède pour nous aider dans l’œuvre de notre salut. On le voit, Suarez se sépare de Duns Scot sur ce point, comme d’ailleurs dans toutes les questions relatives aux anges gardiens où le docteur subtil est en désaccord avec saint Thomas.

2. Fonctions des anges gardiens.

Suarez consacre un chapitre spécial aux principales fonctions des anges

gardiens vis-à-vis de nous. Il les ramène à six. — I" Les anges gardiens éloignent les périls qui menacent notre corps ou notre âme, soit en écartant de nous les causes extérieures de péril, soit en nous inspirant la pensée d’éviter ces causes, alors même que nous ne soupçonnons point le danger. Il faut joindre à cette fonction celle d’écarter tout ce qui met obstacle à notre progrès spirituel. — 2’1 Ils nous excitent et nous portent à faire le bien et à éviter le mal. — 3° Ils répriment les démons, diminuent la gravité de leurs tentations, aussi bien que la multitude des mauvaises pensées qu’ils inspirent ou des occasions de péché qu’ils font naître. — 4° Ils présentent nos prières à Dieu. — 5° Ils prient pour nous. — 6° Ils nous corrigent et nous punissent lorsque cela doit nous être salutaire ; les punitions qu’ils nous infligent sont donc très rarement l’effet de la seule justice de Dieu ; elles sont ordinairement médicinales, c’est-à-dire inspirées par la miséricorde de Dieu pour nous. — Le ministère de l’ange gardien qui avait commencé au moment de notre conception, De angelis, l. VI, c. xvii, n. 18, cesse à notre mort ; cependant, d’après le récit de saint Luc, xv, il conduit l’âme de son pupille jusqu’au ciel, lorsqu’elle est sans aucune souillure ; il la visite et la console en purgatoire, si elle passe par ce lieu d’expiation. De angelis, l. VI, c. xix.

Sun l’angélologie de saint Thomas d’Aquin : Schwane, Dogmengeschichte der mittleren Zeit, § 44-46, in-8° Fribourgen-Brisgau, 1882, p. 194-217 ; Karl Werner, Der heilige Thomas von Aquins, 3 vol. in-8° Ratisbonne, 1859, t. H, p. 402-431 ; Cajetan./x primant partem Summse theologicx, q. l-lxii, cxicxiii, dansD ; iHÏ710mae Opéra, Anvers, 1612, t. x ; CoMeguSa(manticensiscursustlieologicus, tr. VII, Deangelis. in-8° Paris, 1877, t. iv ; Jean de Saint-Thomas, Cursus theologicus, Paris, 1883, t. iii, iv ; BiUuart, Tractatus de angelis, dans son Cursus theologise, t. n de l’édition de Paris, 1852 ; les autres théologiens qui ont commenté ou exposé la doctrine de saint Thomas d’Aquin ; Pierre de Bergame, Tabula aurea in opéra sancti Thomæ Aquinatis, au mot Angélus, à la fin des diverses éditions des œuvres complètes de saint Thomas, t. xxxiii et xxxiv de l’édition de Paris, 1880. On y trouvera des renvois aux divers ouvrages de saint Thomas pour toutes les questions que nous avons abordées. Sur l’angélologie de Duns Scot et des auteurs du xiv siècle : Karl Werner, Joannes Duns Scotus, c. x, in-8° Vienne, 1881, p. 311-331 ; Lychet, Commentaires sur le second livre des Sentences de Scot, dans Joannis Duns Scoti opéra, Paris, 1893, t. XII ; Frassen, Scotus academicus, Paris, 1673, t. H, p. 2-209, et les autres théologiens qui ont exposé la doctrine de Duns Scot ; Karl Werner, Die nachscotistische Scholastik, c. vi (angélologie d’Auréolus, de Jean de Baconthorpe et d’Ockam), in-8° Vienne, 1883, p. 181-201.

Il n’y a aucun renseignement sur l’angélologie de Suarez et des théologiens postérieurs ni dans Karl Werner, Franz Suarez und die Scliolastik der letzten Jahrhunderte, 2 vol. in-8° Ratisbonne, 1861, ni dans Schwane, Dogmengeschichte der neueren Zeit, in-8° Fribourg-en-Brisgau, 1890. — Parmi les traités modernes des anges, bornons-nous à indiquer Palmieri, De Deo créante et élevante, Rome, 1878, p. 150-113, 439-470 ; Mazella, De Deo créante, disp. II, 2e édit., Rome, 1880, p. 169-340 ; Oswald, Angélologie, 2e édit., Padeiborn, 1889 ; Barré, De rerum creatione et specialim de angelis, part. I, Paris, 1897, p. 9-83.

A. Vacant.

V. ANGÉLOLOGIE dans les Églises orthodoxes (grecque et russe). — I. Existence et nature des anges. II. Hiérarchie et nombre des anges. III. Création des anges. IV. Élévation surnaturelle des anges ; leur épreuve. V. Fonctions des anges. Les anges gardiens. VI. Culte des anges.

La doctrine de l’Église orthodoxe sur l’existence et la nature des anges ressemble de tous points à celle de la théologie catholique. Certains auteurs grecs ont émis, il est vrai, des opinions singulières, mais on ne saurait, en bonne justice, regarder ces opinions comme l’expression de la croyance générale. Les pages qui suivent ont pour but de résumer le plus succinctement possible et dans l’ordre logique, l’enseignement des Grecs sur cet intéressant sujet. Je ne remonte pas dans l’histoire au de la de Pholius.