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ANGE D’APRÈS LES SCOLASTIQUES

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ces conceptions sous son domaine. Il suffit donc d’un acte de volonté pour qu’il pense actuellement à l’une ou l’autre des vérités qu’il sait. Il suffit de même que, par un acte de volonté, cet ange ordonne tel ou tel de ses concepts vers un autre ange, pour que celui-ci connaisse ce concept. L’attention du second ange est en effet excitée en ce cas, soit par la vision en Dieu de tout ce qui se rapporte à sa personne, si c’est un ange bienheureux jouissant de la vision intuitive, soit, si c’est un mauvais ange, par l’action de l’objet intelligible qui excite l’attention de l’intelligence angélique, comme le son de la voix humaine excite notre attention. Ce langage ne peut être saisi que par les anges à qui il s’adresse et non par les anges à qui il ne s’adresse point ; car vis-à-vis des premiers la volonté de l’ange qui parle supprime l’obstacle qui empêchait la manifestation de ses concepts, tandis qu’elle ne le supprime point visà-vis des derniers. Ibid., q. cvn. Les anges peuvent ainsi se parler, à quelque distance qu’ils se trouvent l’un de l’autre ; car cette explication si simple du langage des anges suppose que dans la connaissance de la vérité, la part principale revient à la vérité intelligible ou à l’objet et non à la faculté intelligente du sujet. Cette action prépondérante de l’objet est, nous l’avons vu, un des caractères distinctifs de la psychologie de saint Thomas d’Aquin qui considère l’objet comme la forme, et la faculté comme la matière de laconnaissance.

II. dvns scot.

I. Hiérarchie. — Le docteur subtil n’énonce aucune théorie spéciale au sujet des hiérarchies et des chœurs des anges ; il accepte avec tous ses contemporains l’exposé de l’Aréopagite.

2. Illumination. —Il définit l’illumination angélique quædam locutio de vero revelato perfectiva in esse secundo. IV Sent., . II, dist. IX, q.li, n.25 ; Reporlata, . II, dist. IX, q. ii, n. 18. C’est une locution ; elle se produit comme toute autre locution angélique. Elle se dintingue par son objet qui est une révélation faite à un ange, manifestée par lui à un autre ange et perfectionnant celui-ci en mettant son intelligence en acte par une connaissance actuelle, in esse secundo. S’il s’agit d’une vérité vue dans le Verbe (et Scot incline à croire qu’il en est toujours ainsi), l’ange illuminateur, Reporlata, l. II, dist. IX, q. il, n. 18, n’en peut donner la vision à l’autre ange, mais seulement le disposer à considérer cette vision dans le Verbe. Il est vraisemblable que Dieu ne fait aux anges inférieurs aucune révélation ignorée des anges supérieurs. Cependant il n’est pas impossible qu’il en fasse. En ce cas l’ange inférieur pourrait illuminer l’ange supérieur d’une certaine manière ; il ne pourrait pas cependant le forcer à l’écouter, comme l’ange supérieur y force l’ange inférieur. C’est pourquoi il n’y aurait point locution, comme nous allons voir que Scot la comprend, ni par conséquent illum inalion. 1 V Sent., l. II, dist. IX, q.n, n. 25, 26 ; i ?enor « a£a, l. II, dist. IX.q.n, n. 13 sq. Conformément à ses principes, Duns Scot n’exige donc pour l’illumination ni la manifestation d’une vérité dont l’universalité dépasse la compréhension de l’ange inférieur, comme saint Thomas, ni avec Suarez, une explication qui rende la vérité révélée évidente à l’ange qui l’ignorait. Il suffit, à son avis, que l’intelligence angélique reçoive une nouvelle perfection par la connaissance d’une révélation qu’elle ne connaissait pas.

3. Locution.

Contrairement à saint Thomas, le docteur subtil n’admet pas que la volonté de l’ange soit un obstacle qui voile ses pensées, ni que l’ange parle à un autre par le seul fait qu’il veut lui laisser voir sa pensée. Il soutient que les anges peuvent, quand ils le veulent, regarder et connaître la pensée d’un autre ange. Mais, pour qu’il y ait locution, ce n’est pas assez qu’un ange connaisse ce que pense un autre ange ; il faut que cette connaissance soit produite dans le pre mier par le second. La locution d’un ange c’est la production dans un autre ange d’une pensée actuelle qui était dans le premier. IV Sent., l. II, dist. IX, q. ii, n. 27 sq. L’ange parle donc en produisant en un autre ange le concept de ce qu’il lui dit, de la même façon volontaire qu’il produit ce concept en lui-même, en pensant à ce qu’il dit. Ibid., dist. IX, q. il, n. 15, 28. L’ange peut parler à plusieurs anges, en agissant sur leur intelligence, comme il agit sur la sienne propre, quand il produit ses propres pensées et les tire de sa mémoire par un acte volontaire d’attention. Il a ainsi leurs intelligences à sa disposition, ibid., dist. IX, q. n. n. 21 ; car l’ange à qui s’adresse la locution est purement passif dans son audition ; il est ensuite actif pour examiner ce qui lui a été dit. Ibid., n. 22, 23. Si l’objet de la locution est connu de l’ange qui entend, il suffit que l’ange qui parle en produise dans le premier la pensée ou le concept. Si cet objet est inconnu de l’ange qui entend, il faut que l’ange qui parle en produise dans le premier l’espèce intelligible en même temps que le concept. Si l’ange qui parle produit dans l’autre l’espèce intelligible et non le concept, il n’y a point locution parfaite, puisqu’il n’est pas entendu de l’ange à qui il s’adresse. Ibid., dist. IX, q. ii, n. 20, 21. Nous avons déjà remarqué qu’un ange inférieur ne saurait, selon Scot, imposer l’audition de ses pensées à un ange supérieur, tandis que l’ange supérieur est toujours maître d’imprimer ses concepts dans l’intelligence de l’ange inférieur, et par conséquent de lui parler et de l’illuminer. Ibid., dist. IX, q. ii, n. 22, 26 ; Reporlata, l. II, dist. IX, q. il, n. 14. La locution des anges peut se produire à distance ; car l’ange qui parle peut produire son concept dans l’ange à qui il parle, sans avoir besoin d’agir pour cela sur l’espace intermédiaire. Nous voyons une action à distance semblable dans le soleil qui produit des effets sur la terre, sans les produire dans l’espace qui l’en sépare. Reporlata, l. II, dist. IX, q. iii, n. 2, 3. Selon Scot la locution des anges ne s’explique point, comme le voulait saint Thomas, par l’intelligibilité de l’objet qui se manifeste à toutes les intelligences, du moment que rien n’y met obstacle. Elle s’explique par l’action de la volonté de l’ange qui parle, action qui produit à son gré la pensée de cet ange et ensuite celle des anges inférieurs. Reporlala, l. II, dist. IX, q. il, n. 16.

m suarez. — i. Hiérarchie. — Suarez suit la doctrine de saint Thomas d’Aquin sur les hiérarchies et les chœurs des anges. De angelis, l. I, c. xiii, xiv. Il regarde la division des anges en chœurs comme de foi divine, si l’on fait abstraction de la différence et de l’ordre qu’il faut mettre entre les chœurs, ibid., c. xiii, n. 2, et pense qu’il y a une différence spécifique de nature non seulement entre les hiérarchies, mais encore entre les chœurs. Ibid., l. I, c. xiv, n. 3 sq.

2. Illumination.

Nous l’avons vii, Suarez n’admet pas avec saint Thomas que l’objet de l’intelligence des anges est toujours universel, que son universalité est d’autant plus grande que l’ange est d’un ordre plus élevé, et que c’est par l’action de cet objet universel que s’explique l’intelligence de l’ange. Il ne pouvait donc accepter non plus la théorie où le saint docteur explique surtout l’illumination par l’universalité de la vérité qui en est l’objet, universalité qui la place au-dessus de l’intelligence des anges inférieurs et oblige les anges supérieurs à la diviser en concepts moins universels pour la mettre à la portée de l’ange qu’ils éclairent. A cette théorie, qu’il prétend pourtant reprendre sous une autre forme, ibid., l. VI, c. XII, n. 23, Suarez en substitue une autre, où l’illumination s’explique surtout par la manière subjective dont elle est reçue dans l’esprit de l’ange inférieur. Selon ce théologien, en effet, l’objet de l’illumination ne suffit pas à la distinguer de la simple locution ; pour que cet objet soit ignoré de l’ange infé-