Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/648

Cette page n’a pas encore été corrigée

1237

ANGE D’APRÈS LES SCOLASTIQUES

1238

liberté analogue. Toutefois les bons anges ne peuvent plus mériter une augmentation de gloire, ni les démons une augmentation de peine, parce que le mérite ne saurait exister que dans l’état de voie, et qu’ils sont maintenant dans l’état de terme, lbid., dist. VII, q. unica, n. 28.

3. Suarez.

Il pense avec saint Thomas d’Aquin que la volonté angélique ne renferme ni l’appétit concupiscible, ni l’appétit irascible, et qu’elle n’a pour objet que le bien connu par l’entendement ; mais, étendant le domaine de l’entendement plus que le saint docteur, il est amené à étendre également celui de la volonté angélique. Il estime donc qu’elle produit des actes qui répondent à ceux de l’appétit concupiscible et de l’appétit irascible. De angelis, l. III, c. i. Ayant admis, contrairement à la doctrine de saint Thomas, que l’ange est capable de certains raisonnements, il se rallie aux opinions suivantes de Duns Scot : l’ange aurait pu pécher contre l’ordre naturel, ibid., c. vu ; il aurait pu pécher véniellement, ibid., c. vin ; il aurait pu se repentir après son péché, car il n’est pas fixé irrévocablement dans le bien ou le mal, par le seul fait qu’il s’y est une fois déterminé. Ibid., c. x. Cependant Suarez conçoit la liberté non, avec Scot, comme le fondement de la volonté, mais, avec saint Thomas, comme une propriété de cette faculté. Aussi, tout en restreignant le champ de la liberté angélique moins que saint Thomas, il admet avec ce dernier que la liberté ne s’étend pas à tous les actes de volonté de l’ange. L’ange ne saurait se haïr lui-même, ibid., c. iv, v, n. 6 ; il ne saurait cesser de s’aimer, ibid., c. iv, n. 6 ; cependant il est libre d’éliciter ou non les divers actes que sa volonté peut produire vis-à-vis de lui-même. Ibid., n. 16 sq. Sa liberté est plus étendue vis-à-vis de Dieu ; car il peut l’aimer ou le haïr. Ibid., c. v. Suarez pense, avec saint Thomas, que les démons sont incapables d’aucun bien moral, que tous leurs actes libres sont mauvais moralement et qu’ils ne cessent de produire de ces actes. Ibid., l. VIII, c. vin. Il regarde cette obstination dans le mal, comme le résultat nécessaire de l’influence produite sur leur volonté par l’état misérable et douloureux auquel ils se voient à jamais condamnés. Ibid., c. xi. Pour les bons anges, ils sont confirmés dans le bien par la vision intuitive de Dieu qui les rend bienheureux et assure la rectitude à leur volonté. Ibid., l. VII, c. vii, n. 4.

V. Création, élévation, épreuve et béatitude des

ANGES. — 1° DOCTRINES COMMUNES A SAINT THOMAS, DUNS

scot et suarez. — I. Création. — Les anges sont des créatures de Dieu. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. lxi, a. 1 ; Suarez, De angelis, l. I, c. il. Ils n’ont pas été créés de toute éternité, mais ils ont eu un commencement. S. Thomas, ibid., a. 2 ; Suarez, De angelis, l. I, c. II. Ils ont été créés en même temps que le monde corporel. Saint Thomas soutient cette opinion comme la plus probable. Ibid., a. 3. Elle est regardée comme certaine par Suarez. Ibid., . I, c. m. Aucun d’eux n’a été créé mauvais. S. Thomas, ibid., q. lxiii, a. 4 ; Suarez, De angelis, l. I, c. m ; l. VII, c. n.

2. Élévation et épreuve.

Tous les anges ont été élevés à l’état de grâce pour subir une épreuve ; car il fallait qu’ils fussent élevés à l’état surnaturel pour mériter la béatitude surnaturelle. S. Thomas, Sum. theol., q. Lxii, a.2 ; Scot, / V Sent, l. II, dist.V, q. i, n.7 ; Suarez, ibid., l. V, c. m. Les principaux mystères divins, en particulier l’incarnation, leur ont été alors révélés. S. Thomas, ibid., q. lxiv, a. 1, ad 4um ; Suarez, ibid., l. V, c. VI.

3. Béatitude.

Ceux qui sont restés fidèles à Dieu dans cette épreuve ont reçu, en récompense de cette fidélité, et non, comme le pensait Pierre Lombard, en récompense de leur futur ministère envers les hommes, la béatitude éternelle par la vision intuitivede Dieu. S. Thomas, ibid., q. lxii, a. 4, 9 ; Scot, IV Sent., l. II, dist. V, q. i, n. 1

sq. ; Suarez, ibid., . VI, c. i-vui. Les anges qui ont offensé Dieu dans leur épreuve ont été, au contraire, condamnés au feu de l’enfer et sont devenus des démons. Voir ce mot.

II. opinions de saint thomas d’aquin. — I. Création et élévation. — L’ange a été créé par Dieu dans l’étal de béatitude ou de perfection naturelle ; car n’acquérant point ses connaissances comme l’homme par des raisonnements, il a reçu de Dieu, dès le premier moment de sa création, toute la science naturelle dont il était capable. Sum. theol., I a, q. lxii, a. 1. L’état de grâce sanctifiante dans lequel les anges ont subi leur épreuve leur a été aussi plus probablement donné au moment même de leur création. Ibid., a. 3.

2. Épreuve.

Nous l’avons déjà dit, l’épreuve des anges n’a pu consister que dans la possibilité d’aimer leur propre bien d’une manière qui n’était pas conforme à la volonté de Dieu ; car l’ange, n’ayant point de passion, ne pouvait s’attacher à quelque chose qui ne fût pas un bien. Ibid., q. LXIII, a. 1, ad 4um. Ce bien qu’il pouvait désirer d’une façon désordonnée, c’était la ressemblance avec Dieu ; non pas une ressemblance par égalité de nature, car il la savait impossible ; mais la ressemblance qui est donnée à la créature dans la béatitude surnaturelle. Les mauvais anges, qui ont succombé à cette épreuve, ont donc péché en se comportant d’une façon désordonnée vis-à-vis de cette béatitude à laquelle Dieu les appelait, soit qu’ils aient préféré prendre pour Un dernière la béatitude à laquelle ils étaient capables d’arriver naturellement, soit qu’ils aient voulu parvenir à la fin surnaturelle par leurs seules forces naturelles, et sans le secours de la grâce de Dieu. Dans l’un ou l’autre cas, ils ont voulu arriver à la béatitude de la fin, par leur vertu personnelle, ce qui est le propre de Dieu. Ibid., q. lxiii, a. 3. Les bons ont triomphé de cette épreuve par un acte de charité. Ce seul acte leur a assuré la possession immédiate de la béatitude ; en effet, de même que l’ange arrive aussitôt à sa perfection naturelle sans passer par aucun raisonnement, de même le premier acte méritoire doit lui obtenir aussitôt la béatitude surnaturelle. Ibid., q. lxii, a. 5.

3. Béatitude.

Le degré de béatitude a dû être accordé à chaque ange dans la mesure de sa perfection naturelle. En effet, Dieu semble avoir donné aux anges des degrés divers de perfection naturelle pour les préparer à recevoir des degrés divers de grâce et de béatitude ; d’autre part, la nature angélique n’étant point composée comme la nôtre de natures diverses, aucun obstacle ne l’empêchait de se porter vers Dieu de toutes ses forces. Il semble donc que les anges qui possédaient une nature plus parfaite ont aimé Dieu plus parfaitement et mérité une plus grande béatitude. La béatitude des bons anges n’augmente point dans ce qu’elle a d’essentiel. Ibid., q. lxii, a. 9. Cependant, jusqu’au jour du jugement, les anges peuvent voir augmenter leur récompense accidentelle, en particulier la joie qu’ils éprouvent au sujet des hommes qui sont sauvés par leur ministère, Luc, iv, 10 ; mais il est plus probable qu’ils ne méritent pas cette augmentation. Ibid., ad 3um.

4. L’élévation et la béatitude ont-elles été méritées aux anges par le Chris f ! — La grâce donnée aux bons anges durant leur épreuve ne leur a pas été méritée par le Christ, non plus que ce qu’il y a d’essentiel dans leur béatitude. Deveritate, q. xxix, a. 7, ad5 ura. Ilestcependant leur chef, et son influence s’exerce sur eux. Sum. theol., III a, q. lix, a. 6. Cette influence n’est pas la fin de l’incarnation qui s’est faite pour les hommes. Elle en est seulement une conséquence. De veritate, q. xxix, a. 4, ad 5um. Toutefois le Christ a mérité aux anges la récompense accidentelle qui leur vient de leur ministère auprès de nous.761rf v a. 7, ad5 ura.Il les a jugés à la suite de leur épreuve et par rapport à l’essentiel de