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ANGE DANS L’EGLISE LATINE

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t. clxxii, col. 1413-1116. Sans entrer dans aucun développement, il expose dans un dialogue précis les opinions courantes à son époque sur les anges. Il insiste sur la manière dont le démon est tombé. Cette question et celle de l’état des anges avant la chute attirentaussi l’attention de Rupert, abbé de Deutz († 1135). Il établit ses sentiments sur cette matière par des considérations personnelles assez longues, d’abord dans son De Victoria Verbi Dei, 1. I, P. L., t. clxix, col. 1218-12H ; ensuite dans De operibus S. Trinitatis, Genesis, 1. I, c. x-xvii, P. L., t. clxvii, col. 206-214 ; enfin dans son De glorificatione Trinitatis, 1. III, c. ii-xxm, P. L., t. clxix, p. 51-71. Cf. aussi son Comment, in Mattli., 1. XIII, P. L., t. clxviii, col. 1627. Quelques années plus tard, saint Anselme étudie le même sujet avec la même préoccupation et d’une façon plus approfondie, dans un traité distinct, De casu diaboli, P. L., t. clviii, col. 325-360. Abailard s’est peu occupé des anges, bien qu’il ait réuni dans son Sic et non divers textes qui les concernent, xliii, xlvi-l, P. L., t. clxxviii, col. 1104, 1412 sq. Saint Bernard a parlé souvent de ces esprits bienheureux, mais en passant. A partir du milieu du {{rom-maj|XII)e siècle, les sommes de théologie qui sont publiées sous divers titres contiennent toutes un traité des anges assez développé. Ce traité est incomplet dans les Sententiæ du cardinal Robert Pullus, 1. II, c. ii-iv, P. L., t. clxxxvi, col. 719-726, très détaillé et sous une forme absolument scolastique dans le livre des Sentences, de Roland Bandinelli, le futur Alexandre III, Die Sentenzen Rolands, Fribourg-en-Brisgau, 1891, p. 85-103 ; aussi détaillé, mais beaucoup moins didactique, soit dans le De sacramentis, part. V, P. L., t. clxxvi, col. 245-264, et le commentaire du De hierareftia cœlesti, P. L., t. ci.xxv, col. 923 sq., de Hugues de SaintVictor, soit dans le Suninia sententiarum, tr. II, P. L., t. clxxvi, col. 7989, faussement attribué à cet auteur. (Voir l’art. Abélard, col. 53.) Dans le second livre des Sentences, dist. II-XI, P. L., t. cxxi, col. 655-655, Pierre Lombard résume assez bien les vues et les opinions émises par ses devanciers. 2. État des anges au moment de leur épreuve. Manière dont ils sont arrivés à la béatitude. — La question principale qui préoccupe les auteurs du {{rom|xii)e siècle, est celle que Rupert et saint Anselme avaient essayé de résoudre dans les ouvrages dont nous avons parlé. Ils se demandent tous dans quel état étaient les mauvais anges avant leur chute et les bons anges avant leur glorification, et aussi comment les premiers ont été endurcis dans le mal, et les second confirmés dans la béatitude. C’est, en d’autres termes, la question du rôle de la grâce dans l’épreuve, la persévérance et la béatitude des anges. Robert Pullus, op. cit., 1. II, c. v, recherche si les bons anges ont eu la béatitude dés leur création. Suivant Pierre Lombard, dist. IV, quelques auteurs l’affirmaient alors ; ils disaient en conséquence qu’il n’y avait pas eu d’intervalle entre la création des anges et leur mise en possession du ciel. Robert Pullus combat cette opinion ; il estime très justement que les anges ont eu d’abord la foi, et ensuite seulement la vision de Dieu. Mais il ne s’explique point sur la nature de cette foi. Les autres théologiens que nous avons cités se demandent non pas si les anges étaient bienheureux, mais s’ils étaient bons ou mauvais durant leur épreuve. La solution qui devait prévaloir au xine siècle, savoir qu’ils possédaient la grâce habituelle, n’est donnée par personne au XII". Pierre Lombard, // Soit., dist. III, nous parle d’une opinion suivant laquelle les démons auraient îlemauvais dès le temps de leur création. Rupert semble admettre cette opinion dans son commentaire sur saint Matthieu. Loc. cil. C’était faire de Dieu l’auteur du mal, puisque c’est lui qui a créé les démons. Rupert le remarque et change de sentiment dans le De Trinitatis operibus, I. I, c. xii-xvi ; cet auteur semble même croire, dans son De Victoria verbi, 1. 1, c. xxv, que les démons ont

reçu la béatitude céleste, non pas au moment de leur création, mais avant leur chute. Cf. De Trinit. op., 1. I, c. xi.

La question fut résolue d’une façon très nette et très ferme par saint Anselme, dans le traité De casu diaboli, qu’il écrivit à cette fin. Selon lui, le démon et les bons anges furent créés de Dieu avec une nature bonne. Ils reçurent également de Dieu de vouloir et pouvoir persévérer dans le bien, c. m. Les mauvais anges ne reçurent pas la persévérance, parce qu’ils tombèrent dans l’orgueil, et voulurent s’élever d’une façon contraire à la volonté de Dieu. Rupert, De Victoria Verbi. 1. I, c. viii-xii, avait attribué à Satan d’avoir cherché à se faire adorer comme Dieu par les autres anges ; mais saint Anselme croit qu’avec leur intelligence, les démons n’auraient pas eu la folie de vouloir être dieux. Ils méritèrent la damnation, sans avoir prévu cette conséquence de leur conduite, mais ils savaient qu’ils agissaient mal et qu’ils se rendaient dignes d’un châtiment (qui pourrait ou non leur être inlligé). Cf. Roland Bandinelli, p. 95, et Honorius d’Autun, c. vu. Les bons anges persévérèrent et obtinrent la béatitude par un don de Dieu ; car ils doivent à Dieu tout ce qu’il y a eu de bien en eux ; ils lui doivent d’avoir pu persévérer et d’avoir persévéré (saint Anselme distingue les deux grâces qu’on appellera plus tard suffisante et efficace, la première donnée aux démons, la seconde accordée aux bons anges) et de posséder la béatitude. Ces enseignements si précis se retrouvent au moins pour ce qui regarde la grâce actuelle accordée aux bons anges, dans les sommes qui furent écrites à partir de cette époque par Robert Pullus, c. rVjj Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, c. xxiv, xxvii ; Pseudo-Hugues, Sum. sent., c. iii, et Pierre Lombard, II Sent., dist. V. Roland Bandinelli, p. 89-93, affirme que les démons furent créés bons ; mais il s’applique à démontrer qu’ils ne possédèrent jamais la charité qu’Abélard leur avait attribuée. Dialogus inter philos, judseum et christianum, P. L., t. clxxviii, col. 1659. Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, c. xvi, dit qu’ils avaient la perfection qui convenait au temps de l’épreuve, mais non celle qui devait les rendre bienheureux. Il semble faire consister cette perfection du temps de leur épreuve dans la liberté et d’autres avantages purement naturels, c. xii, xix, xx. Sa manière de voir est néanmoins adoptée par Pseudo-Hugues, Sum. sent., c. ii, iii, et par Pierre Lombard, // Sent., dist. IV.

Tous les théologiens du {{rom|xii)e siècle sont d’accord qu’en fait les démons seront, toujours endurcis dans le mal et que les bons anges sont à jamais confirmés dans le bien. Voir Honorius, c. viii, x ; S. Anselme, op. cit., c. vi ; Robert Pullus, c. vi ; Roland Bandinelli, p. 95 ; Pseudo-Hugues, Sum. sent., c. iv ; Pierre Lombard, dist. VIL Cependant ils sont portés à croire que les uns et les autres ont conservé leur libre arbitre. Saint Anselme, c. xvii, xxv, pense que les démons ne peuvent plus vouloir le bien, faute de grâce, et que les bons anges ne peuvent plus pécher par crainte de la damnation qui a frappé les démons ; c’est aussi le sentiment de Robert Pullus, c. v. Pierre Lombard, dist. VII, estime même que le libre arbitre des bons anges est plus parfait depuis la fin de leur épreuve. Il croit aussi, dist. VII, que les bons anges ont gardé la liberté de faire le mal, et les mauvais celle de faire le bien, encore qu’ils n’en usent jamais. Cet auteur, dist. V, incline même à penser que les bons anges méritent aujourd’hui, par leur conduite vis à vis des hommes, la béatitude qu’ils ont.obtenue jadis. Cette opinion cadre assez bien avec un autre sentiment de Rupert d’après lequel Jésus-Christ a été la (in de la création des anges qui ont la mission d’aider les hommes rachetés par lui. De glorif. Trinit., 1. III, c. xxi. Pierre Lombard, dist. XI, dit encore que l’amour des anges pour Dieu et leur connaissance de la vérité aug-