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AME. DOCTRINE DES GRECS

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humaine, se créeront une sorte de philosophie individuelle, au gré de leur caprice ou des inlluences du dehors. Dans son Discours sur la création, Pachomios Rliusanos (1510-1553 ?) enseigne la création de l’âme par Dieu et l’immortalité du premier homme, bien que, sur ce dernier point, sa doctrine soit un peu hésitante. Ph. Meyer, Die theologische Literatur der griechischen Kirche im xvi Jahrhundert, in-8o, Leipzig, 1899, p. 49. Théophile Corydallée (1563-1646) se lit au xviie siècle, l’ardent propagateur des doctrines d’Aristote. Disciple de l’Italien César Cremonini, il écrivit comme ce dernier un Traité de l’âme qui le fait mettre par plusieurs de ses coreligionnaires au nombre des athées ; il allait jusqu’à nier l’immortalité de l’àme. Ph. Meyer, op. cit., p. 10. Son influence n’en fut pas moins considérable, et tous les philosophes grecs du XVIIe siècle, Alexandre Mavrocordato, Nicolas Koursoulas, Georges Sougdouris, furent péripatéticiens. Une nouvelle ère s’ouvrit avec le XVIIIe siècle. Méthode Anthracites mit en grec les œuvres de Descartes et de Malebranche et, en 1723, un synode de Constantinople le condamna comme hérétique ; il avait fini par tomber dans un panthéisme idéaliste, qui mettait en cause l’existence même de l’âme. Un autre philosophe, Christodoulos d’Acarnanie, embrassait quelque temps après les erreurs de Spinoza et l’Église oflicielle l’excommuniait en 1793. Ph. Meyer, op. cit., p. 14. Et pourtant vers la même époque, l’évêque de Campanie, Théophile, écrivait dans son Ta|xeïov 6p6030££a ; , un chapitre presque irréprochable sur l’àme humaine ; c’est le quatre-vingt-seizième de cet ouvrage si souvent réimprimé. Cf. l’édition de Tripoli, 1888, in-8°, p. 209215. Le célèbre Eugène Bulgaris (1716-1806) n’est qu’un éclectique en philosophie ; il emprunte à Locke beaucoup de ses théories, rejette les idées innées et regarde l’âme comme une table rase.’II Xoyixii, èx 7ra).ai<ov te xaï vewTÉpiov (ruvspavta-QEÏira, in-8o, Leipzig, 1766, p. 58-59. Dans son Cow>'s de t/téologie, Bulgaris passe rapidement sur l’origine de l’âme et ses facultés ; il en prouve assez bien la spiritualité, en appuyant ses conclusions sur plusieurs textes scripturaires. ©EoXoyix’jv, in-8o, Venise, 1872, p. 380-389. La démonstration de la spiritualité de l’âme semble avoir été la grande préoccupation des théologiens grecs de la fin du dernier siècle. Le seul chapitre qu’Athanase de Paros consacre à l’âme dans son Exposé des dogmes est intitulé : ot^ àôâvaTÔv -ci yp^jj.a xa’i açôaprov, tj OéoÛev tô> àvOpcÔTca) i rvvjn§v.GZ. PJ-/Y1.’E711toij.ï) eïte aVXXoyr, tô>v Œi’wv tT|Ç tïicttewç Soyl >.à-w, in-8°, Leipzig, 1806, p. 262-269.

Nicodème l’Haghiorite, de Naxos († 1809), traite souvent de l’âme dans ses nombreux et volumineux ouvrages, mais sans trop sortir du domaine de l’ascétisme. Quand il lui arrive de parler psychologie, il ne fait que répéter la vieille théorie de la division de l’àme en trois parties : XoyicrTcxôv, 8uu.txov, È7rcOj|17)T’.x6v. Voir par exemple, son ouvrage intitulé : K^ttoç -/apÎTtov, in-4o, Venise, 1819, p. 10. Le manque d’originalité est, d’ailleurs, le moindre défaut de la philosophie des Grecs modernes. A peine affranchis du joug ottoman, ils se livrèrent avec leur ardeur ordinaire à l’étude des systèmes philosophiques de l’Allemagne ou de la France et, sans toujours les comprendre, essayèrent de les faire pénétrer dans leur langue, sinon dans leur esprit. Il sortit de ce chaos une philosophie composite, dont l’histoire n’est pas à faire ; elle devrait se borner à une sèche énumération de traductions ou d’adaptations d’ouvrages étrangers. On doit pourtant une mention spéciale à un philosophe encore vivant, Apostolos Makrakis, dont la doctrine sur le compose humain eut l’honneur d’être condamnée, en 1879, par le saint-synode de Grèce. Dans bon nombre de brochures, comme dans son journal le Aôyo ; , Makrakis préconise ce qu’il appelle le Tpia-’JvOsTov, c’est-à-dire la composition de l’homme en trois éléments :’l ?v/y, i : v£-j|j.a, <sù>t.a. ou o-ipf. La nature humaine n’est parfaite qu’à la condition de les réunir tous les trois. Jésus-Christ lui-même n’a été homme parfait que le jour où il reçut, dans les eaux du Jourdain, « l’esprit, » t’o 7rvEJ|j.a. Condamné à Athènes, Makrakis en appela au patriarche de Constantinople Denys V, et lui adressa, sous forme de mémoire, une apologie de son système. A l’entendre, le 7rvE0[j.a n’est pas la ùvyrj ; c’est une parcelle, une communication « de l’esprit de Dieu et du Christ faite à l’homme, en tant que celui-ci est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu ». Notre philosophe ne craint pas d’appuyer son dire sur l’autorité de saint Grégoire de Nysse ; il n’admet point que le IIe concile œcuménique ait anathématisé cette erreur dans la personne d’Apollinaire. L’occasion était belle pour le patriarche de Constantinople d’affirmer par une intervention officielle sa suprématie doctrinale ; mais Denys V ne répondit point et Makrakis continue d’enseigner sa théorie du TpccûvÔETov. Un autre écrivain encore vivant, Nectaire Kephalas, a écrit sur les Commémoraisons funèbres un intéressant opuscule, dont la majeure partie est consacrée à prouver l’immortalité de l’âme. Ta tepà ii, vr)u.ôo-jva, in-8o, Athènes, 1892, p. 7-24. En dehors de ces deux écrivains, je ne puis que signaler, par ordre de date, les auteurs de manuels scolaires ou de traités les plus répandus : N. Khortakis, 'Av6pa>nûXoyi’a <xio|AaTix-r) xai ^J/oXoyixr, , in-8o, Athènes, 1865 ; C. Papadoukas, Wvyo-Xoyîa Ëfj.TCiptxr l, in-8°, Athènes, 1871 ; P. Bradas Armenis, 'E7riaroXa 4>i).o6éou xai E’iyEvi’ov, v^toi a-JVTOfio ; UEpt’ii-jyr^ xa 8eo0 618a<rxaX : a, in-8o, Athènes, 1884 ; J. Skaltsounis, ^PuyoXoytxa’i |xE>.ÉTai, in-8o, Athènes, 1889 ; —’Ap(j.oveat 5qu(7Tcavi<T[j.O’j xai È7ri<TTï||iT) ; xa TtEp’i yEvÉaEw ; to-j àv6p(Ô7ro’j, in-8°, Athènes, 1893 ; A. K. Spathakis, *FuyoXoy ; a è[iuEtpixT) x « i Xoyixïj, in-8o, Athènes, 1895 ; D. Olympios, ^ÏV/oXoyia ; è[j.7rEipiXTj ; Èy/_Ecpi’810v (simple traduction du manuel de G. A. Lidner), in-8o, Athènes, 1896 ; T. Sophianos, 0su>pï)TixY) 4 /u X ^ Y ta > in-8o, Constantinople,

V. Eglise russe. —

L’Eglise russe, dans son enseignement officiel sur l’âme humaine, s’en tient strictement à la doctrine formulée au XVIIe siècle dans la Confessio orthodoxa, si souvent imprimée depuis, part. I, rép. 28. Elle professe naturellement la création de l’àme par Dieu. Mais comment entend-elle cette création ? Elle ne le détermine point d’une manière précise. Toutefois, le plus grand de ses théologiens, Macaire, pense « que Dieu crée les âmes humaines, ainsi que les corps, par la vertu de cette même bénédiction : Croissez et multipliez-vous, donnée par lui dès le commencement au premier couple ; qu’il les crée, non de rien, mais de l’âme des parents ». Ce qui pousse Macaire à adopter cette manière de voir, c’est la doctrine du péché originel, « dont la transmission, dit-il, serait impossible si Dieu tirait les âmes du néant. » Objecte-t-on au théologien russe que l’âme, être simple, ne saurait être formée d’une autre âme ? Il répond que Dieu, esprit pur, engendre pourtant de son essence le Fils et produit le Saint-Esprit, sans qu’il y ait division ou partage de son indivisible essence. Aussi ajoute-t-il avec les anciens docteurs que le mystère de la création de nos âmes n’est accessible qu’à Dieu seul. Théologie dogmatique orlliodoxe, trad. par un Russe, t. I, in-8°, Paris, 1859, p. 535. Tout en professant cette opinion, Macaire rejette le traducianisme et la divisibilité de l’àme des parents ; il n’admet pas que Dieu crée les âmes de rien, doctrine inconciliable à ses yeux avec le dogme de la transmission du péché originel. Cette grave question tle l’origine de l’àme a fort préoccupé les théologiens russes, mais ils ne sont point encore parvenus à s’entendre sur un mode de conciliation. Cf. Et. Jauwsky, Indication des questions théologiques, dans les Lectures chrétiennes, 1844, t. iii, p. 400-113 ; Th. Procopovitch, Theologia christiana orthodoxa, in-8o, Kœnigsberg, 1773-1775, t. il, p. 37-15. L. Petit.