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ABEL

les terrestres et les célestes. Ibid., XV, xv, 1, col. 456. Depuis Abel, le premier juste tué par son frère, l’Église avance dans son pèlerinage au milieu des persécutions du monde et des consolations de Dieu. Ibid., XVIII, li, 2, col. 614. La cité de Dieu a commencé à Abel lui-même, comme la mauvaise cité à Caïn. Elle est donc ancienne cette cité de Dieu, qui tolère la terre, espère le ciel et qui est appelée Jérusalem et Sion. In Ps. cxii enarrat, no 3, P. L., t. xxxvii, col. 1846. Du meurtre d’Abel par Caïn, saint Jean Chrysost., In Gen., homil.xii, n. 6, P. G., t. liii, col. 103-166, conclut que les chrétiens ne doivent pas craindre ici-bas les adversités et les maux, mais qu’ils doivent plutôt prendre garde de faire du mal aux autres. Quel est, en effet, le plus malheureux, du meurtrier ou de sa victime ? Il est clair que c’est le meurtrier. Abel a toujours été célébré comme le premier témoin de la vérité. Son meurtrier a mené une vie misérable ; il avait été maudit par Dieu et il était regardé comme un homme abominable. Quelle différence encore dans l’autre vie ! Abel régnera durant toute l’éternité avec les patriarches, les prophètes, les apôtres et tous les saints et avec Jésus-Christ. Caïn endurera perpétuellement les tourments de l’enfer. Ceux qui l’imiteront auront part à ses souffrances ; les bons, fidèles imitateurs d’Abel, partageront son bonheur. Théodoret, Quæst. in Gen.', q. xlv, P. G., t. lxxx, col. 145. considérait Abel comme le premier fruit de la justice, prématurément coupé dans sa racine. L’auteur du Liber de promissionibus et praedictionibus Dei, part. I, c. vi, P. L., t. li, col. 737, reconnaissat dans Abel et Caïn l’image de deux peuples, les chrétiens et les juifs. Rupert, De Spiritu Sancto, l. VI, c. xviii-xx, P. L., t. cxlvii, col. 1752-1754, appelle Abel le premier des martyrs et il reconnaît en lui la figure de tous les bons comme Caïn est la figure de tous les méchants. Il a été suivi et imité par les martyrs de Rome et en particulier par le diacre saint Laurent, mis à mort à cause des trésors de l’Église ; les persécuteurs suivaient les traces de Caïn. Ailleurs, Comment, in XII proph. min., l. VI, t. clxviii, col. 196, il donne Abel, dont le nom signifie lamentation, comme le premier des pénitents qui annonce au monde la consolation de la rédemption. Le prémontré Adam Scot, Serm. v, n. 2, P. L., t. cxcvm, col. 480, propose Abel comme modèle aux religieux qui s’offrent à Dieu par la profession solennelle. Dans les prières de la recommandation de l’âme, l’Église invoque « saint Abel » pour qu’il intercède en faveur du chrétien qui subit les derniers combats de la vie. Abel était cité en tête des patriarches, des apôtres et des martyrs, nommés dans les dyptiques d’une église irlandaise (missel de Stowe). Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1889, p. 200. Les peintres chrétiens, en représentant Jésus-Christ dans les limbes, ont généralement placé Abel au milieu des saints qu’il venait délivrer ; ils l’associent aussi au triomphe du Sauveur dans le ciel. Grimoüard de Saint-Laurent, Guide de l’art chrétien, Paris, 1874, t. v, p. 53 ; Mgr  X. Barbier de Montault, Traité d’iconographie chrétienne, Paris, 1890, t. i, p. 260.

2o  Abel, figure de Jésus-Christ.

Abel a représenté Jésus-Christ à trois titres distincts :
1. parce qu’il était pasteur de brebis ;
2. à cause du sacrifice qu’il a offert ;
3. en raison de sa mort violente.

1. Comme pasteur de troupeau.

Abel, qui était pasteur de brebis, dit saint Isidore de Séville, Allegorisæ quædam Script, sac, n. 5, P. L., l. lxxxiii, col. 99-100, fut le type du Christ, le véritable et bon pasteur, qui devait venir gouverner les peuples fidèles.

2. Comme sacrificateur.

Le sacrifice d’Abel est le premier des sacrifices offerts par des mains pures ; il a figuré, comme les sacrifices subséquents, le sacrifice du Fils unique de Dieu sur la croix et dans l’eucharistie. Le sacrifice d’Abel fut agréable au Seigneur, parce qu’il était fait des prémices du troupeau. S. Ambroise, Epist., xxxv, n. 9, P. L., t. xvi, col. 1079-1080. Ces prémices plurent au Seigneur, non pas en tant que créatures dégénérées par suite du péché, mais en raison du mystère de grâce qui s’y reflétait. Le sacrifice d’Abel prophétisait donc que nous serions rachetés du péché par la passion du Seigneur, qui est l’Agneau de Dieu. Abel a offert des premiers-nés pour représenter le premier-né des créatures. Id., De Incarnat. Dom. mysterio, c. i, n. 4, P. L., t. xvi, col. 819. La victime d’Abel fut agréable à Dieu, celle de Caïn lui fut désagréable. Jésus-Christ n’a-t-il pas manifesté clairement par là qu’il devait s’offrir pour nous afin de consacrer dans sa passion la grâce d’un nouveau sacrifice et d’abolir le rite du peuple parricide ? Id., In Ps. xxxix enarrat., n. 12, P. L., t. xiv, col. 1061. Pour signifier la passion de notre rédempteur, Abel a offert en sacrifice un agneau ; il a tenu dans ses mains cet agneau qu’Isaïe a annoncé et que Jean-Baptiste a montré du doigt. S. Grégoire le Grand, Moral, in Job., l. XXIX, n. 69, P. L., t. lxxvi, col. 515-516. L’Église dans sa liturgie a reconnu le sacrifice d’Abel comme une figure du sacrifice eucharistique. Dans une préface du Sacramentaire léonien, P. L., t. lv, col. 148, le prêtre chantait : « Immolant constamment l’hostie de la louange, dont le juste Abel a été la figure. » Chaque jour, les prêtres de l’Église romaine récitent à l’autel cette prière qui suit de près la consécration et qui répond à l’épiclèse des Grecs : « Daignez, Seigneur, regarder d’un œil favorable le sacrifice eucharistique comme vous avez daigné accepter les présents de votre enfant le juste Abel, le sacrifice du patriarche Abraham et celui du souverain prêtre Melchisédech. » L’art chrétien a fait ressortir, au cours des siècles, le caractère figuratif du sacrifice d’Abel. Sur des sarcophages des anciens cimetières chrétiens, les Offrandes de Caïn et d’Abel figurent le sacrifice eucharistique. Abel offre un agneau et Caïn une gerbe ou une grappe de raisin. À première vue on s’étonne de constater que Dieu agrée le sacrifice de Caïn aussi bien que celui d’Abel. On a voulu interpréter le geste du Seigneur comme un geste de répulsion ; mais l’examen attentif des dessins n’autorise pas cette interprétation. Si donc les sculptures ont été fidèlement dessinées par Bosio, il faut en conclure que les sculpteurs de ces sarcophages antiques oubliaient les intentions personnelles de Caïn et ne considéraient que la matière de son offrande, le froment ou le raisin, qui signifiaient l’eucharistie aussi bien que l’agneau d’Abel. Une mosaïque de Saint-Vital de Ravenne, qui est du vie siècle, représente à côté de Melchisédech, qui offre sur l’autel le pain et le vin, Abel élevant les mains au ciel et prenant part au même sacrifice. Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2e édit., Paris, 1877, p. 2-3 ; Grimoüard de Saint-Laurent, Guide de l’art chrétien, t. iv, p. 29-31 ; t. v, p. 69 ; t. vi, p. 344-346. Sur une plaque gravée, de la fin du xiie siècle, Abel sacrificateur est joint aussi à Melchisédech ; il offre un agneau que Dieu accepte et bénit. Ce vers latin donne la signification de la gravure : Hec data per justum notat in cruce victima Christum. Au portail de la cathédrale de Modène, qui est du xiie siècle, on a gravé cet autre vers : Primus Abel justus defert placabile munus. Caïn est encore représenté avec Abel ; mais son sacrifice qui est « maigre » est repoussé par Dieu. Le vers : Sacrificabo macrum, non ilabo pingue sacrum, lu à rebours, fait dire tout le contraire à Abel : Sacrum pingue dabo, non macrum sacrificabo. Mgr  Barbier de Montault, Traité d’iconographie chrétienne, Paris, 1890, t. ii, p. 53, 90-91. Sur la croix de Hohenlohe, du xiiie siècle, Abel et Caïn offrent, l’un un agneau, l’autre une gerbe de blé, sans qu’il y ait entre eux aucune différence ; Dictionnaire d’archéologie chrétienne, t. i, col. 61-66.

3. En raison de sa mort violente.

Abel, tué par Caïn