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ABEL

goûts et île leur caractère. S. Cyrille d’Alexandrie, Glaphyr. in Gaies., 1. de Gain et Abel/n. 2, P. G., t. lxix, col. 33. Cette différence se manifeste plus nettement dans les sacrifice^- qi’j’ls offrent au Seigneur. Caïn, agriculteur, consacra des produits de la terre ; Abel, pasteur de brebis, des animaux de son troupeau. Caïn ne lit qu’une simple oblation, n’offrit qu’un sacrifice non sanglant ; à en juger par le contraste et les termes employés, Abel immola des victimes. Caïn ne consacra au Seigneur que des fruits ordinaires ; s’il n’offrait pas les plus mauvais de sa récolte, il ne choisissait pas les meilleurs ; Abel sacrifiait les prémices, les premiers nés et les plus gras de ses agneaux. Jéhovah regarda favorablement Abel et ses présents, mais il ne considéra ni Caïn ni ses dons. Gen., iv, 3-5. Dieu cependant ne voyait pas tant la différence des dons eux-mêmes que la diversité des dispositions avec lesquelles ils étaient faits. « C’est par la foi, nous apprend saint Paul, Hebr., xi, 4, qu’Abel a offert un sacrifice plus abondant que Caïn, » nXziova. 6u<rt’av, une victime meilleure en raison de la foi de l’offrant, plutôt que par sa nature et ses qualités propres. « Dieu ne considérait pas les présents de Caïn et d’Abel, mais leurs cœurs, de sorte que celui dont le cœur lui plaisait, lui plaisait aussi par son présent. » S. Cyprien, De oralione dominica, n. 21, P. L., t. iv, col. 536. Dieu envisageait surtout l’intention et avait pour agréable le sacrifice fait d’un cœur droit et sincère. S. Chrysostome, In Gen., homil. xviii, n.5, P. G., t. un, col. 155-156. La dillérence de résultats et d’efficacité auprès de Dieu est un indice de la diversité des consciences. S.Jean Chrysostome, Ad populum Antioclienum, homil. xii, n. 4, P. G., t. xlix, col. 132. Cf. S. Pierre Chrysologue, Serm., cix, P. L., t. lii, col. 502 ; Basile de Séleucie, Orat., îv, n. 3, P. G., t. lxxxv, col. 68-09. Poussé par la jalousie, S. Clément de Rome, I Cor., iv, 7, dans Funk, Opéra Patrum apostolicorum, Tubingue, 1887, t. I, p. 66 ; S. Nil, Narrât., H, P. L., t. lxxix, col. 608, et à l’instigation de Satan, S. Ignace d’Anlioche, . Ad Philip., xi, 3, l’unk, ibid., P. G., t. ii, col. 118 ; AdSmym., vii, l, t. ii, col. 148 ; Pseudo-Athanas, Quæst.ad Antiochum ducem, q. lvii, P. G., t. XXVIII, col. 632, Caïn fut violemment irrité de la préférence que Dieu avait manifestée à son frère, et son animosité intérieure se trahit par l’abattement de son visage. Il ne tint aucun compte des paternels avertissements du Seigneur et, dominé par la rancune, il résolut de se venger, fl proposa un jour à Abel de sortir au dehors et lorsqu’ils furent dans les champs, il se jeta sur son frère et le tua. Gen., iv, 8. Par ce meurtre, la mort qui était la peine du péché d’Adam, Gen., iii, 19, fil son entrée dans le monde. Rom., v, 12. La première victime ne fut pas un coupable, mais un innocent et un juste. Ce coup prématuré, qui frappait leur fils, montrait à Adam et à Eve la grandeur du châtiment de leur faute. Théodoret, Qusest. in Genesim, quæst. xlvi, P. G., t. lxxx, col. 145 ; Photius, Ad Amphiloeh. , quæst. xi, P. G., t. ci, col. 120. La voix du sang de l’innocente victime s’éleva jusqu’au Seigneur et Jéhovah interrogea Caïn pour lui faire avouer son crime. Mais le fratricide impénitent mentit impudemment, disant qu’il ignorait où était son frère ; il ajouta insolemment : « En suis-je le gardien ? » Cependant, le sang d’Abel criait vengeance vers le ciel, et Dieu porta contre le coupable une terrible sentence. Gen., iv, 9-12.

II. Abel figure de l’avenir. —

Considéré successivement ou simultanément par les Pères et les écrivains ecclésiastiques dans les différentes situations et sous les divers aspects de sa courte vie, Abel a été la figure :
1° des justes trop souvent persécutés par les impies ;
2° de Jésus-Christ, innocente victime immolée pour l’expiation du péché.

Abel figure des justes persécutés.


Sous ce rapport, Abel a été envisagé en tant que faisant contraste et opposition à Caïn, l’impie fratricide. Tandis que l’auteur de la Sagesse, X, 3, désigne Caïn comme « l’injuste, aotxoç, qui, dans sa colère, s’était éloigné de la sagesse et avait péri par le coup qui le rendait meurtrier de son frère », Jésus lui-même appelle Abel, « le juste, » Sûcaioç, et il le met au nombre des prophètes et des saints dont le sang retombera sur les Juifs. Matth., xxiii, 32-35. Saint Paul, Hebr., xi, 4, dit qu’en raison de la foi avec laquelle il avait oiï’ert son sacrifice, Abel avait reçu de Dieu le témoignage qu’il était « juste », puisque Dieu avait accepté ses présents. Saint Jean, I Joa., iii, 10-12, indique comme signes distinctifs entre les enfants de Dieu et les enfants du diable, la justice et l’amour fraternel, et il cite Caïn « qui était du malin et qui tua son frère. Et pourquoi le tua-t-il ? Parce que ses œuvres étaient mauvaises et que celles de son frère étaient justes ». Ainsi, Abel est présenté par l’Écriture comme la première personnification du bien. Caïn, qui représente le mal, le hait et l’immole à sa cruelle jalousie. Après avoir méprisé les paternels avis de Dieu, il s’enfonça de plus en plus dans le péché et fut le père d’une postérité perverse. Seth avait été substitué à Abel, Gen., iv, 25, et ses descendants persévérèrent longtemps dans la voie droite et furent les représentants du bien. Ainsi apparurent dès l’origine les deux grandes catégories d’hommes qui se partagent l’humanité entière ; ainsi furent inaugurées l’opposition et la lutte perpétuelle entre le bien et le mal. Cette antinomie constante i sera à travers les siècles l’épreuve des bons, mais aussi

! le principe de leur mérite et de leur glorification au

ciel. Sa préfiguration mystique dans la personne d’Abel a été signalée par les écrivains ecclésiastiques. L’auteur des Homélies clémentines, homil. ii, n. 16, P. G., t. ii, col. 85, a écrit : « Adam avait été formé à l’image de Dieu. De ses deux fils, nés après son péché, l’aîné est mauvais et représente les mauvais ; le cadet est bon et représente les bons. » Les deux frères, dit saint Ainbroise, De Caïn et Abel, l. I, c. i, n. 4, P. L., t. xiv, . col. 317, représentent deux catégories opposées d’hommes : l’une rapporte toutes choses à elle-même ; l’autre rapporte tout à Dieu et se soumet à son gouvernement. Tous deux sont de la même race, mais d’esprit contraire. Abel est la figure des bons, Caïn celle des méchants. Le second fils d’Adam est meilleur que le premier, dit-il ailleurs. Exhortalio virginilatis, c. vi, n. 36, P. L., t. xvi, col. 347. Il est immaculé, tandis que Caïn est couvert de taches ; il s’attache à Dieu et provient tout à fait de Dieu, tandis que son frère est une possession mondaine et terrestre. Il annonce la rédemption du monde, alors que de son frère procède la ruine du monde. Par l’un est préparé le sacrifice du Christ, par l’autre, le fratricide du diable. A ses yeux, De Caïn et Abel, l. I, c. ii, iii, P. L., t. xiv, col. 318, 320, les deux frères figurent les deux peuples, juif et païen. Caïn représente le peuple juif, peuple fratricide ; Abel, les païens devenus chrétiens, qui adhèrent à Dieu, s’occupent des choses célestes et s’éloignent des terrestres. Ils représentent enfin l’ordre suivant lequel se manifeste la sagesse humaine. Abel, quoique le plus jeune, l’emporte en vertu sur son frère ; en nous, le mauvais homme naît avant le bon. Le travail de la terre a précédé la garde des troupeaux ; si le mauvais homme apparaît le premier, il est inférieur au rapport de la grâce. La jeunesse est le temps des passions ; la vieillesse, l’époque du calme et de la paix. Saint Augustin expose les mêmes vérités en termes différents. Le temps durant lequel les hommes qui naissent succèdent à ceux qui meurent, est le développement de deux cités. Caïn qui est né le premier des deux ancêtres de l’humanité appartient à la cité des hommes, Abel qui est le second appartient à la cité de Dieu. De civ. Dei, XV, i, P. L., t. xli, col. 437. La cité de Dieu, qui est pèlerine ici-bas, a été préfigurée par Caïn et Abel. Elle comprend deux groupes d’hommes,