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ADOPTION SURNATURELLE DE L’HOMME PAR DIEU

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extrinsèque de l’imputation ùVs mérites du Christ. Mais, quels que soient les motifs qui aient déterminé la délinition du concile, il faut bien admettre que cette définition a une portée indirecte beaucoup plus considérable, et qu’il n’est plus permis d’assigner aucune cause formelle à la justification, et par conséquent à l’adoption divine, en dehors de la grâce sanctifiante. —

2. L’histoire du concile le prouve encore. On lit, en effet, dans les actes authentiques publiés par Theiner, que la rédaction primitive du septième canon dogmatique sur la justification (’tait ainsi conçue : Si quis dirent illam ipsam Dei gratiam, quæ in juslificatione datur, quai eliam gratitm faciens dicitur, quæ scilicet vel est caritas, vel non sine caritate, qua una vere justi sunt quicumque justi sunt, nihil esse nobis inhserens vel nos informons, anathema sit. Hoc est enini pretiosnm illud et maximum Dei donum, qtio et infantes et adulti per Christum Jesum nova crcatura, hoc est deiformes, et, ut est apnd Petrum, divinæ consortes naturse efficiuntur, reqenerantur, vivificantur, et, ut inquit Joannes, fdii Dei non modo nominantur, sed vere sunt. Acta genuina, etc., Agram (1874), t. i, p. 205. On ne pouvait pas dire d’une façon plus claire que la grâce sanctifiante est la cause formelle de l’adoption divine. Or, à propos de ce canon, le secrétaire du concile résume d’un seul mot les observations qui furent échangées entre les membres de l’assemblée : Omnia in septimo canone placent. Acta genuina, p. 209. Ce qui prouve, à tout le moins, que l’opinion de Lessius n’avait alors aucun représentant dans les diverses écoles théologiques et n’exprimait en aucune façon la pensée des Pères du concile de Trente. —

3. Le catéchisme qui fut édité, sur l’ordre du pape Pie V, pour expliquer la doctrine du concile, enseigne également que c’est la grâce qui nous fait enfants de Dieu : Animus enim noster divina gratia repletur, qua justi et ftlii Dei effecti seternse quoque salutis heeredes instituimur. De baptism., n. 50. Et il a soin de dire en même temps que la grâce est a une qualité divine inhérente à l’âme ».

Autorités invoquées par les adversaires.


Lessius prétend que l’Écriture est favorable à son système, notamment Rom., viii, 14, 15, 27 ; Gal., iv, 6 ; Scheeben invoque en outre le témoignage des Pères grecs. Mais les théologiens contestent, et à bon droit, la légitimité des conclusions qu’ils tirent des textes scripturaires ou patristiques. Pour l’interprétation des premiers, voir Cornely, Cammentarius in Epist. ad Romanos, Paris, 1896, p. 416 ; Comment, in Epist. ad Galat., Paris, 1802, p. 528. Pour l’explication des seconds, voir Granderath, jeiischrift fur katholische Théologie, 1884-, p. 565-574. (’.'est également à tort que Scheeben invoque en sa faveur 1 autorité de saint Thomas. Les textes généraux qu’il cite comme Sum. theol., IIP, q, xxiii, a. 3, et 7 f Sent., l. III, dist. X, (j. iii, a. 1, sol. 3, peuvent très bien s’expliquer dans le sens de la doctrine opposée ; et beaucoup d’autres passages, plus précis et plus catégoriques, montrent que le (lui leur angélique plaçait la cause formelle de l’adoption dans la grâce sanctifiante. Voir surtout Sum. Html., nia, q. xxxii, a. 3, où il dit : Potest homo dici /il ii, s Dei… quia est ei assimilatusper gratiam. — Ad 2um dicendum, qimd Inimitiés, qui spirit militer fnrmantur a S/iiriiu Sancto, non possunt dici secundum perfectam ralionem /iliulinvis ; el ideudicuutur filii Dei secundum filiationem imperfectwm, quæ est secundum similitudinem gratia. Cf. I a II a, q. ex, a. 3.

Raison théologique.


Les partisans de la théorie que nous critiquons prétendent que leur opinion explique mieux le caractère générateur de notre filiation surnaturelle, et montre davantage la grandeur des dons de Dieu. Peut-être ; mais la question est de savoir si celle explication peut se concilier avec les définitions de l’Église. Nous croyons avoir démontré que non, Mlle soulève d’ailleurs de graves difficultés théologiqties. comme on peut le voir dans Granderath, qui la discute longuement, Zeitschrift fur kath. T/teologie, 1883, p. 601 sq., et dans Oberdœrfler, loc. cit., p. 115. L’espace restreint dont nous disposons ne nous permet pas d’entrer dans cette discussion. Nous préférons montrer, en quelques mots, comment la grâce sanctifiante, étant vraiment le principe d’une nouvelle vie, suppose à son origine un acte analogue à la génération, et, à son terme, un état qui participe de la filiation proprement dite. De même en effet, que dans l’ordre naturel la filiation et la vie — deux éléments inséparables — résultent de l’acte générateur du père qui communique sa nature à l’être qu’il engendre, ainsi, dans l’ordre de la grâce, il y a communication d’une nouvelle vie et en même temps filiation, lorsque l’âme reçoit de Dieu une participation de sa propre nature, autrement dit la vie surnaturelle. Or, quel est le principe radical et formel de cette nouvelle vie, si ce n’est la grâce sanctifiante ? N’est-ce pas elle qui est la racine fondamentale d’où sortent les puissances surnaturelles, c’est-à-dire les vertus infuses, qui nous permettent de poser des actes vitaux d’ordre divin ? C’est donc elle aussi qui doit être le principe constitutif, la cause formelle de notre filiation divine, de même que son infusion dans l’âme est l’analogue de l’acte générateur qui communique une vie nouvelle à l’être engendré. Voir Grâce sanctifiante.

IV. conséquences de l’ADOPTioN. —

Il y en a deux principales : l’union avec les trois personnes divines, et le droit à l’héritage du ciel.

Union avec les trois personnes divines.


Notre adoption surnaturelle nous établit ipso facto, vis-à-vis des trois personnes de la sainte Trinité, dans des rapports particuliers, exprimés par la célèbre formule qui représente l’âme juste « comme la fille adoptive du Père, l’épouse du Fils et le temple du Saint-Esprit ». Il est facile de deviner la raison de ces diverses appropriations. C’est bien au Père qu’il convenait de rapporter notre filiation divine « comme à son auteur », suivant le mot de saint Thomas, puisqu’il est, au ciel et sur la terre, le principe de toute paternité. Eph., iii, 15. Devenant la fille adoptive du Père céleste, l’âme juste est placée du même coup, vis-à-vis du Fils de Dieu, dans le rapport qui unit entre eux les enfants d’un même père ; et c’est pour cela que l’Écriture, à diverses reprises, nous appelle les frères de Jésus-Christ. Rom., viii, 29 ; Matlh., xxviil, 10 ; Joa., xx, 17. En outre, comme l’adoption la plus parfaite a lieu par un mariage avec le fils de famille, il convenait que notre filiation surnaturelle nous unît à Jésus-Christ par les liens d’époux et épouse. Et ici encore l’Écriture et la tradition s’étendent volontiers sur cette conséquence de notre adoption divine. Enfin ces diverses relations avec le Père et le Fils étant établies, en dernière analyse, par la grâce sanctifiante, dont l’économie est spécialement attribuée au Saint-Esprit, il s’ensuit que l’âme juste est aussi la demeure de la troisième personne, qui la sanctifie par son action et sa présence, el la rend ainsi du même coup la digne fille du Père et la digne épouse du Verbe incarné. Voir Esprit-Saint

On peut se demander à cette occasion si l’adoption est faite par la sainte Trinité tout entière, ou spécialement par quelqu’une des personnes divines, le Père par exemple. Saint Thomas, qui se pose cette question, répond que l’adoption, (’tant une opération ad extra, est l’œuvre commune des trois personnes ; mais qu’on peut l’attribuer différemment à chacune d’elles, par voie d’appropriation, à savoir « au Père, comme à son auteur, au Fils, comme à son modèle ; au Saint-Esprit, comme imprimant en nous la ressemblance de ce modèle ». Adoptatio, licet sit communis loti Trinitati, appropriatur tamen l’atri ut auctori, Filin ni v.rcnipluri, Spirilui Sancto ut imprimeuli in m>/>is hujus exemplaris sirnilitudinem. Sum. theol., III a, q. xxiii, a. 2, ad 3 UI ". Voir TRINITÉ et Appropriation.