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ADOPTION SURNATURELLE DE L’HOMME PAR DIEU

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l’adoption surnaturelle. Ainsi, par exemple, la dénomination d’infantes appliquée aux nouveaux baptisés, quel que fût leur âge, comme on le voit dans les inscriptions chrétiennes et dans les allocutions des évêques à l’occasion du baptême. Voir Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 1 ^ édit., Paris, 1877, art. Baptême, p. 81. Ainsi également l’usage de prendre au baptême un nouveau nom correspondant à la nouvelle naissance du baptisé, et qui rappelait parfois d’une façon originale le dogme dont il était l’expression. De là ces noms d’Adepta, Regeneratus, etc., que nous avons signalés plus haut. Voir Baptême.

II. CARACTÈUES de l’adoption. —

On peut les déduire d’un double parallèle, avec la filiation de Jésus-Christ d’une part, et l’adoption humaine proprement dite de l’autre. Car, si la filiation surnaturelle du juste est bien inférieure à la première, dont elle est pourtant une imitation véritable, elle surpasse de beaucoup la seconde par l’excellence de ses prérogatives.

1° L’adoption surnaturelle et la génération du Fils de Dieu. —

Nous n’insisterons pas sur le premier point du parallèle, où il est dit que la filiation surnaturelle du juste est bien inférieure à la filiation naturelle du Verbe. Cette infériorité est de toute évidence, puisque, des deux filiations, l’une repose directement sur la personne même du Verbe, et l’autre sur quelque chose de fini, la grâce sanctifiante. Nous ajouterons seulement que la filiation surnaturelle du juste imite et reproduit, à quelque degré, la filiation du Christ. C’est la doctrine de saint Thomas, basée d’ailleurs sur l’Écriture. Per aclum adoptionis conimunicatur similitudo naturalis filiationis hominibus, secundum illud : Quos præscivil conformes fieri imaginis Filii sui. Rom., viii, 29. Sum. theol., III a, q. xxiii, a. 1, ad 2um. C’est aussi la doctrine traditionnelle. Voir, entre autres, saintCyrille d’Alexandrie, Thesaur., ass. 32, P. G., t. lxxv, col. 526.

L’adoption surnaturelle et l’adoption humaine.


Comparée à l’adoption purement humaine, l’adoption divine jouit de prérogatives merveilleuses, et l’emporte de beaucoup sur elle, au triple point de vue de l’origine, de la nature et des conséquences. —

1. L’homme adopte son semblable par un motif d’indigence, pour combler un vide de famille ; mais Dieu n’adopte les justes que pour leur communiquer la surabondance de sa vie. Voir S. Thomas, Sum. theol., III a, q. XXXIII, a. 1, ad 2um. En outre, l’adoption humaine provient d’un choix purement extérieur, qui rapproche les personnes sans les unir physiquement ; tandis que l’adoption divine se fait par voie de régénération et est le résultat d’une seconde naissance. —

2. Les deux adoptions diffèrent profondément en nature. La première est quelque chose d’extrinsèque à la personne adoptée et ne la modifie en rien, attendu que le père ne communique aucun être intrinsèque à l’enfant qu’il adopte ; tandis que l’adoption divine, étant produite par la grâce sanctifiante qui élève l’homme au-dessus de sa condition naturelle, communique réellement la qualité de fils avec une participation de la nature divine. —

3. Les conséquences des deux adoptions sont très différentes, au point de vue de l’héritage. Non seulement l’héritage des enfants de Dieu l’emporte sur les héritages terrestres, autant que la possession de Dieu même surpasse tous les biens créés, mais leur échéance se produit d’une façon inverse. L’une se fait par voie de succession, et suppose la séparation du père et de l’enfant, pour que celui-ci entre en possession de l’héritage. L’autre, au contraire, se produit par voie d’union, et d’une union indissoluble, entre Dieu et ses élus, et c’est le même héritage essentiel qu’ils possèdent en commun.

Conclusion. —

On peut conclure de ce parallèle que l’adoption divine tient une sorte de milieu entre la génération proprement dite et l’adoption pure et simple. Ce n’est pas et ce ne peut être une génération, au sens strict du mot, puisqu’il lui manquera toujours un élément capital qui n’appartient qu’à la génération du Verbe, à savoir la communication de la substance divine, devenue partie constitutive de l’être engendré. Mais elle a pourtant quelques analogies avec l’acte générateur, puisqu’elle se produit par l’infusion d’un don divin qui nous communique l’être surnaturel, c’est-à-dire une similitude et une participation véritable de la nature divine, en d’autres termes, un principe vital d’ordre divin qui nous permet de poser des actes en rapport avec lui et de revendiquer ainsi le ciel comme héritage. C’est donc quelque chose de plus qu’une adoption pure et simple. Et voilà pourquoi l’Écriture l’appelle tantôt une régénération ou seconde naissance, et tantôt une adoption dont Dieu lui-même est à la fois l’auteur et le terme final.

III. principe constitutif de L’adoption. —

Les caractères généraux de notre adoption divine une fois connus, il est plus facile d’en déterminer le principe constitutif, autrement dit la cause formelle. La plupart des théologiens attribuent exclusivement ce rôle à la grâce sanctifiante, et rejettent à la fois l’opinion de Lessius et celle de Scheeben, que nous avons exposées plus haut.

Preuves.


Le grand argument que font valoir les théologiens contre Lessius et Scheeben est tiré du concile de Trente. En effet, la doctrine du concile peut se résumer dans ce raisonnement très simple : « La cause formelle unique de la justification est la grâce sanctifiante. Or, d’après le concile, la cause formelle de l’adoption surnaturelle est la même que celle de la justification. Donc… » La majeure se prouve, entre aulres arguments, par l’opposition très nette que le concile établit entre « la justice de Dieu » considérée dans sa source immanente et comme attribut divin d’une part et, d’autre part, cette même justice considérée dans son opération ad extra et dans le terme où elle aboutit : Unica formalis causa qusii/icationis) est justifia Dei, non qua ipse justus est sed qua nos justos facil. Sess. VI, c. vu. C’est donc la grâce créée qui nous justifie. Voir Grâce sanctifiante et Justification. La mineure de l’argument se prouve à la fois par la teneur même des décrets du concile, l’histoire de ses travaux préparatoires, et le commentaire de ses actes contenu dans le Catéchisme officiel qui fut édité sur l’ordre du pape Pie V. —

1. La teneur des décrets suppose clairement que la cause formelle de notre adoption divine est la même que celle de la justification. En effet, le concile définit lui-même la justification « une translation de l’état où l’homme naît enfant du premier Adam à l’état de grâce et d’adoption des enfants de Dieu ». Sess. VI, c. m. Etre justifié, et devenir enfant de Dieu, c’est donc tout un ; de même que c’est tout un, d’être justifié et d’être constitué en état de grâce. S’il en était autrement, le langage du concile serait étrange, en désaccord absolu avec ses habitudes de prudence et de clarté, et de nature à induire les fidèles en erreur. Or, non seulement aucun passage du texte conciliaire n’autorise l’hypothèse d’une distinction entre le principe de la justification et celui de l’adoption divine, mais elle est clairement rejetée par le concile, puisqu’il emploie indifféremment les expressions justi, renati, filii Dei, justificari, renasci, quand il parle de l’homme justifié par la grâce. Sess. VI, c. iii, iv, vu. Et qu’on n’objecte pas, contre l’ensemble de l’argument, que le concile n’a pas voulu définir quel était le principe constitutif adéquat de l’adoption surnaturelle, attendu qu’il ne pouvait pas condamner une opinion qui n’avait pas encore été formulée. Nous ne prétendons pas qu’il y ait eu définition expresse en ce sens, mais bien définition implicite et équivalente. Tout porte à croire sans doute que le concile a voulu viser directement l’erreur de certains protestants qui enseignaient que la justification comprend, outre un élément intrinsèque à l’âme, l’élément