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ADOPTION SURNATURELLE DE L’HOMME PAR DIEU

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quæ tamen incluait ordinem ad extrinsecam, sicvt cum quis dicitur dives a divitiis, et a possessione divitiaruni, non sunt duse formée intrinsecæ, sed una tantum, dicens ordinem ad extrinsecam ; utraque (amen est essentialiter necessaria ad rationem filii adoptivi, prout nunc de facto et maxime consentanee rerum naturse constituitur. Loc. cit., édit. de Paris, Append. in fine, p. 603.

XVIIe et XVIIIe siècles.


Les explications de Lessius ne parurent pas suffisantes à la plupart des théologiens. Il eut quelques partisans, mais surtout des adversaires. Le principal fut Ripalda, qui qualifia d’ailleurs la nouvelle opinion avec une sévérité tout à fait injuste. Voici ses paroles : Quse sententia mihi videtur suspecta et lanto theologo indigna. Accedit proxime sententiæ hæreticorum asserenlium nos jusli/icari per formam extrinsecam, quant anathemate percellit concilium Tridentinum. De ente supernaturali, disp. ult, sect. x, n. 127, Lyon, 1645, p. 718. La vérité est qu’il y a un abîme entre l’erreur des protestants et le système de Lessius. Celui-ci, dit avec raison le P. Granderath, Zeitschrift fur kathol, T/teologie, 1881, n’est pas en opposition directe avec les définitions du concile de Trente, mais il va simplement contre des conclusions théologiques certaines, tirées du concile. D’autre part, la doctrine de Lessius fut reprise par le P. Petau, dans son Opus de theologicis dogmalibus, De Trinit., l. VIII, c. iv, passim ; c. v, n. 8 ; c. vi, n. 3, Barle-Duc, 1867, où il semble même aller plus loin que Lessius, en enseignant que le Saint-Esprit est la cause formelle adéquate de notre adoption divine. Toutefois, nous devons faire remarquer que ce théologien ne traite pas ex professo des rapports de l’adoption avec la grâce sanctifiante, et qu’il a même soin de réserver expressément la question de la grâce pour une étude ultérieure, restée d’ailleurs à l’état de projet. De Trinit., l. VIII, c. vi, n. 4. Faut-il en conclure avec certains théologiens, comme Oberdœrffer, De inhabitatione SpiritusSancti in animabus justorum, Tournai, 1890, p. 73, que son opinion n’était pas encore définitive, ou qu’il regardait réellement la grâce sanctifiante comme un des principes constitutifs de l’adoption surnaturelle ? Cette seconde hypothèse paraît plus bienveillante que vraisemblable, si l’on tient compte de la doctrine de Petau sur les justes de l’Ancien Testament, qui n’ont pas eu, d’après lui, le privilège de l’adoption, précisément parce que le Saint-Esprit n’habitait en eux que par sa grâce, et non par sa substance. De Trinit., l. VIII, c. vii, n. 1-11. Cette théorie montre bien que, dans la pensée de Petau, c’est la présence du Saint-Esprit dans l’âme qui constituerait l’adoption surnaturelle. Parmi les autres théologiens du xviie et du xviiie siècle, il y en a fort peu qui aient suivi l’opinion de Lessius ; et Thomassin lui-même, auquel on attribue communément cette doctrine, est loin d’être catégorique à cet égard. Il s’exprime plutôt d’une façon ambiguë et oratoire, qui ne permet pas de saisir nettement sa pensée. Tout ce qu’il affirme, c’est que notre adoption divine participe quelque peu à la filiation naturelle du Christ, pour les raisons suivantes : parce que nous sommes revêtus du Christ ; que nous recevons le Saint-Esprit en îlot ; que nous avons une nourriture divine, l’eucharistie ; que l’Écriture et les Pères donnent à notre adoption le nom caractéristique de génération, par imitation de celle du Christ ; et qu’enfin elle est principalement rapportée au Père par l’Ecriture et la tradition. De Verbi Dci incarnatione, l. VIII, c. ix-x, Paris, 1680, p. 518-552.

8° Au xi x » siècle,

l’opinion de Lessius a été reprise, avec des modifications d’ailleurs très importantes, par le D r Scheeben, dans son Handbueh der kathol. Dogmatik, traduit en français par l’abbé Bélet, dans la Bibliothèque théologique du XIX’siècle, La Dogmatique, Paris, 1881, t. m. § 109, p. 618-G62. Aulant qu’on peut discerner sa pensée exacte, qui n’est pas exposée avec netteté et précision, ce théologien admet que la grâce sanctifiante est sans doute la seule cause formelle essentielle de notre adoption divine ; mais il soutient en même temps que le Saint-Esprit y joue un rôle considérable, plus important qu’on ne l’enseigne chez les scolastiques et les latins en général, et qui va jusqu’à revêtir quelques-uns des caractères de la cause formelle, parce que l’inhabitation de l’Esprit-Saint fait partie intégrante de notre adoption, et qu’on doit la regarder, conformément à la doctrine des Pères grecs, « comme l’élément constitutif le plus important de la filiation divine, en ce sens qu’elle contient une participation à la substance de la nature divine, une société, une unité, une cohésion substantielle avec Dieu. » La Dogmatique, trad. Bélet, loc. cit., p. 621. Le système de Scheeben fut loin de conquérir les suffrages des autres théologiens catholiques ; et l’un d’eux, le P. Granderath, d’Inspruck, crut même devoir le réfuter indirectement dans la revue que nous avons déjà citée, Zeitschrift fiir kalholische Théologie, 1881, p. 283-319. Ce fut l’occasion d’une controverse assez longue entre les deux adversaires. Scheeben se défendit dans la revue Der Katholik, 1883, t. i, p. 2 ; t. ii, p. 6 ; 1884, t. i, p. 1 ; t. ii, p. 516 ; pendant que le P. Granderath continuait à le réfuter avec autant d’érudition que de logique. Loc. cit., 1883, p. 491-540, 593-638 ; 1884, p. 545-579. Cette controverse, intéressante à plus d’un titre, paraît avoir eu un résultat très appréciable, celui de mieux fixer les rapports précis qui unissent la grâce sanctifiante et l’adoption surnaturelle, et de confirmer l’opinion qui a toujours été celle de la plupart des théologiens. Voir, entre autres, le cardinal Franzelin, De Deo trino, 3e édit., Rome, 1881, p. 636, en note. Le savant cardinal admet bien qu’on peut regarder le Saint-Esprit comme « le couronnement de notre adoption », mais non dans le sens de Lessius et de Petau. Censent Lessius et Petavius propriam rationem formalem filiationis adoptivse non esse gratiam sanctificantem, sed ipsam substantiam Spiritus Sancti nobis applicatam. Hoc quidem non putamus verum ; sed dicimus Spiritum Sanctum inhabitantem fastigium perfectionis, lum sanctitatis scilicel, tum adoptionis, non ut causam formalem, sed ut causam efficientem et ut terminum cui conjungimur. Voir aussi, parmi les théologiens les plus récents, le P. Christian Pesch, Preelecliones dogmaticæ, Fribourg-en-Brisgau, 1892-1899, t. ii, De Deo uno ac trino, sect. v, De missione divinarum personarum, p. 353357. A un point de vue différent, voir Hurter, Theologiee dogmalicx compendium, 7e édit., Inspruck, 1891, t. III, n. 215, p. 164-165, qui expose l’opinion de Lessius et de Scheeben avec une visible sympathie.

II. Doctrine. —

Elle peut se résumer autour de quatre chefs principaux :
le fait de l’adoption surnaturelle ;
ses caractères généraux ;
son principe constitutif ;
ses conséquences.

1. le fait de l’adoption. —

L’Écriture et la tradition le prouvent solidement.

Témoignage de l’Écriture.


1. L’Ancien Testament ne parle pas de l’adoption surnaturelle dont la grâce sanctifiante est le principe dans l’âme juste. Ce silence s’explique, si l’on se rappelle que les Juifs vivaient sous la loi de crainte, qui suppose un état général de serviteurs ou d’esclaves, et non sous la loi d’amour, qui convient à un état supérieur. Si les justes de l’ancienne loi, considérés individuellement, étaient enfants de Dieu, ce n’était pas en vertu de la loi mosaïque, impuissante par elle-même à les élever si haut, mais en vertu de l’influence anticipée du Nouveau Testamo/it, auquel ils appartenaient radicalement par la foi et la charité. Ils ressemblaient à l’enfant qui ne diffère pas du serviteur, tant qu’il est sous le pouvoir de ses tuteurs et curateurs. Gal., iv, 1-2. D’ailleurs, l’échéance de l’héritage céleste étant subor-