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417 ADOPTIANISME, NOUVELLES CONTROV. DEPUIS LE {{rom-maj|XIV)e SIÈCLE 418

docteurs et les savants au nombre, dit-on, de plus de trois mille proscrivit chez les théologiens l’abus des formules inexactes et figurées, ainsi que les discussions d’une curiosité téméraire. La vraie doctrine sur JésusChrist ne fut pas définie, mais défendue devant le pape et approuvée par lui. Cf. Jaffé-Loewenfeld, n. 11084.

Ces mesures n’ayant pas arrêté la diffusion de l’erreur, Alexandre III dut dans trois rescrits successifs la condamner explicitement. Le premier, adressé à Guillaume de Champagne, archevêque de Sens (28 mai 1170), renouvelle l’ordre autrefois donné viva voce, d’extirper par tous les moyens « la doctrine perverse de Pierre Lombard auparavant évêque de Paris », à savoir : quod Chrïstus, in quantum est homo, non est aliquid. Cf. P. L., t. ce, col. 685 ; Jaffé-Loewenteld, n. 11806 (7894) ; Denifle, Chartularium Univ. Paris., t. I, p. 4. — Le deuxième, analogue au précédent, est adressé aux évêques de Bourges, Reims, Tours et Rouen. Jaffé-Loewenteld, n. 12785 (8467) ; P. L., t. ce, col. 686. — Le troisième rescrit du 18 février 1177, adressé comme le premier à Guillaume de Champagne, devenu archevêque de Reims, est le plus important, parce qu’il formule enfin l’anathème contre l’erreur. Nous en donnons le texte d’après Denifle, Chartularium Univers. Paris., t. i, p. 8-9 ; cf. Jaffé-Loewenfeld, 12785 (8467).

Cum Chrïstus perfectus Dcus Comme Jésus - Christ Dieu perfectus sit homo, mirum est, parfait est aussi homme parfait, qua temeritate quisquam audet c’est une étrange témérité d’odicere, quod Christus non sit ser dire que Jésus-Christ en aliquid secundum quod homo. tant qu’homme n’est pas un Ne autem tanta possit inEccle- être substantiel. Afin d’empèsia Dei abusio suboriri vel ercher dans l'Église de Dieu l’inror induci, fraternitati tua ? per traduction de pareils excès et apostolica scripta mandamus, la propagation de si graves quatenus convocatis magistris erreurs, nous ordonnons à votre scolarum parisiensium et Refraternité par ce rescrit aposmensium et aliarum circumtolique, de convoquer les maîtres positarum civitatum auctoritate des écoles de Paris, de Reims nostra sub anathemate interdiet des autres villes voisines, et cas, ne quis de cetero dicere d’interdire à tous, en vertu de audeat Christum non esse alinotre autorité et sous peine quid secundum quod homo, quia d’anathème, d’affirmer désorsicut verus Deus ita verus est mais que Jésus-Christ, en tant homo ex anima rationali et huqu’homme, n’est point une réamana carne subsistons. lité substantielle. Car de même qu’il est vrai Dieu, il est aussi véritablement homme subsistant dans le composé d’un corps humain et d’une âme raisonnable.

Cette décrétale d’Alexandre III, insérée dans le Corpus juris, Friedberg, c. 7, X De hsereticis, fut dès lors alléguée par les docteurs et mit fin aux débats. Voir S. Thomas, In IV Sent., 1. III, dist. VI, q. iii, a. 2. Au {{rom-maj|III)e concile de Latran en 1179, si l’on en croit le récit confus de Gautier de Saint-Victor, dans d’Argentré, Colleclio judicioruni, t. i, p. 112, les adversaires exagérés de la scolastique voulurent ranimer la discussion et obtenir la condamnation en bloc dos Sentences de Pierre Lombard, qu’attaquait alors bruyamment Joachim de Flore. Mais les disciples de Pierre, en particulier Adam, évêque de Saint-Asaph, défendirent leur maître et nulle décision ne fut promulguée. En 1215, sous Innocent III, le quatrième concile de Latran condamna au contraire le libelle de Joachim et approuva la doctrine de Pierre Lombard sur la Trinité.

Sources contemporaines. — Représentants de l’adoptianisme : Abélard, In Epist. ad Rom., 1. 1, P. L., t. CLXXVIII, col. 794 sq. ; Roland Randinelli dans Gietl, Die Sentenzen Bolands, Fribourg-en-Rrisgau, 1801, p. 176 ; Pierre Lombard, Sent., . III, dist. VI-X, P. L., t. cxctl, col. 767. — Contre l’adoptianisme : Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, 1. II, part. I, surtout Epist-, IV, tx, P. L., t. CLXxvi, col. 376 ; Gerhoch de Reichersberg, passim dans tous ses ouvrages, spécialement dans sa correspondance avec Éberhard, Epist., vii, xxii, P. L., t.cxcm, col. 496, 606 ; Epistola ad Adriamem Param. cod. ms. Admunt., n. 434 (extraits dans Rach, op. cit., p. 391-395 des 80 thèses erronées des dialecticiens) ; L. de gloria et honore Filii hominis, P. L., t. cxciv, col. 1074 sq. ; Liber contra duas hiereses, P. L., t. cxciv, col. 1162, surtout Epist., I, ii, iv ; Arno de Reichersberg, frère de Gerhoch, Apologeticus contra Folmarum, cod. ms. bav. 439 (extraits importants dans Rach, op. cit., p. 471) ; Migne a édité seulement le début, P. L., t. cxcix, col. 1530 ; Joannes Cornubiensis (Jean de Cornouailles), Eulogium ad Alexandrum III, P. L., t. cxcix, col. 1043-1086, traité modéré sur ce sujet, écrit vers 1176 et analysé par d’Argentré, Collectio judiciorum, t I, p. 113-115 ; Apologia pro Verbo incarnato, continens objectiones contra eos qui dicunt Chi’istum non esse aliquid secundum quod est homo, P. L., t. clxxvii, col. 295-316 ; cet ouvrage, faussement attribué à Hugues de Saint-Victor, serait plutôt de Jean de Cornouailles, d’après YHist. litt. de la France, t. xiv, p. 196 ; Gautier de SaintVictor, Contra manifestas et damnatas in conciliis hsereses, quos sophistx Abaitardus, Lombardus, Petrus Pictaviensis et Gilbertus Porretanus, quatuor labyrinthi Franci.-r, uno spiritu aristotelico afflati, libris sententiarum sucrum acuunt, limant, roborant, extraits dans Du Roulay, Historia univers. Paris., t. ii, p. 629-660, et P. L., t. cxcix, col. 1129-1172. Ce pamphlet, écrit après la condamnation de 1177, manque de mesure et de critique, cf. Denifle, Archiv fur Kirchengeschichtc, t. i, p. 405, 416, etc. ; dom Mathoud dans P. L., t. ccxi, col. 789.

Historiens et critiques. — Histoire littéraire de la France, t. xil, p. 140 ; t. xiii, p. 197, 200 ; t. xiv, p. 194 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Delarc, t. vii, p. 405, 512, et 40* ; 2\{\{e\}\} édit., allem. (Knopfler), t. v, p. 616 et 719 ; Hergenrœthci-, Hist. de l'Église, V" époque, n. 332, trad. Relet, t. iv, p. 293 ; Joseph Rach, Die Dugtnengeschichte des Mittelalters vom christologischen Standpunkte, Vienne, 1875, t. il, p. o90-747 ; cf. M’ticle dans Kirchenlexikon, 2' éd., t. I, p.242 ; K. Wernsr, Geschichte der apologetischen und polemischen Literatur der christliohen Théologie, t. ii, p. 454 ; Gietl, Die Sentenzen Rolands nachmals Papstes Alexander III, Fribourg-en-Brisgau, 1891, p. 175-180 ; Mignon, Les origines de la scolastique et Hugues de Saint-Victor, Paris, 1895, t. ii, p. 54 sq.

E. PORTALIE.

III. ADOPTIANISME. Nouvelles controverses depuis le XIV siècle.


I. Histoire.
II. Sens incontesté du dogme.
III. Critique des systèmes.

I. Histoire.

La formule : Jésus-Christ comme homme est fils adoptif de Dieu, malgré les condamnations de Francfort, reparut au grand jour dès le {{rom-maj|XIV)e siècle, sous le patronage de théologiens renommés. — 1. Duns Scot, d’abord hésitant dans son grand commentaire des Sentences, 1. III, dist. X, Paris, 189 i, t. xiv, p. 406, 409, affirme nettement la probabilité de cette formule. dans les Reportata Parisiensia. ibid., f. xxiii, p. 31Ô. - 2. Durand, IV Scnt., . III, dist. IV, en proclame résolument la vérité absolue. Il est suivi par Dassolis, IV Sent., 1. III, dist. X, et par plusieurs scotistes, tels que Hugo Cavelli, l’annotateur de Scot,

! et del Castillo, De incarn., disp. XVII, q. I, n. 47. —

3. Certains nominaux, Gabriel, Almain, etc., atlénuent l’expression et disent que le Christ est fils adoplif selon son humanité en ce sens seulement, que la. nature humaine est vraiment adoptée ; mais ils oublient que l’adoption, qualité essentiellement personnelle, ne peut être attribuée à la nature seule. — 4. Les grands théologiens des {{rom|xvi)e et {{rom|xvii)e siècles, tout en repoussant la formule de Durand sur Jésus-Christ, fils adoptif, avouent qu’elle n’est pointeondamnée et, ce qui est plus grave, soulèvent de longs débats sur la formule opposée : « Jésus-Christ, en tant qu’homme, est fils naturel de Dieu ; » les uns la rejettent absolument avec Vsambert, In Ill im partem., q. xxiii, a. 4 ; les autres ne l’approuvent qu’avec des réserves.

Sans entrer dans les subtilités de cette controverse, il faut déterminer jusqu'à quel point ces systèmes sont compatibles avec les définitions de Francfort.

II. Sens incontesté du dogme et origine de la controverse.

1° Sens incontesté du dogme. —

Voici trois propositions certainement définies : 1. Le Verbe est fils naturel du Père éternel, et en aucun sens il ne peut être appelé fils adoptif. Le nier, c’est l’hérésie arienne.

I. - li