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ADOPTIANISME AU XIIe SIÈCLE

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recueillies par Gerhoch, dans Bach, loc. cit., t. H, p. 393, la douzième affirmait que Jésus-Christ ne doit pas être appelé Dieu, nisi forte, ut aiunt, per adoplionem. Cf. Gauthier de Saint-Victor, dans le Lib. contra IV Labyrinthos Francise, P. L., t. clxxxxix, col. 1127. Mais (el cette remarque est capitale), Abélard et ses disciples les plus habiles se gardaient bien d’affirmer que Jésus-Christ est fils adoplif de Dieu. Ils le niaient au contraire expressément, par cette raison, d’ailleurs insuffisante, que l’humanité de Jésus-Christ, conçue sans péché, n’a jamais existé sans la grâce. A ce compte, la sainte Vierge ellemême ne serait point fille adoptive de Dieu. V. Abélard, In Epist. ad Romanos, l. I, P. L., t. clxxviii, col. 795 ; Sentences de Saint-Florian, d’Ognibene et de Roland, dans Gietl, Die Sentenzen Rolands, p. 179.

L’erreur essentielle du système consistait donc à refuser à Jésus-Christ, comme homme, toute filiation divine, soit naturelle, soit adoptive, et, sur ce point, la Sunima sententiarum de l'école de Saint-Victor a trop subi l’influence d’Abélard. P. L., t. clxxvi, col. 76.

II. Histoire et phases diverses du néo-adodtiaNisme.

1° Controverses à Rome sous Honorius II (1124-1130). — D’après les témoignages de saint Bernard, de Gerhoch et de Jean de Cornouailles, la paternité de cette erreur appartient à Abélard. Mais ce fut à Rome que des disciples plus hardis et plus logiques que leur maître enseignèrent tout d’abord l’adoptianisme le plus explicite. Gerhoch de Beichersberg, Epist., xxi, ad collegium cardinalium, P. L., t. cxciii, col. 576, signale deux tentatives. Un maître venu de France, Luitolphe, enseignait, vers 1126, que « le Christ, comme homme, est fils naturel de l’homme et fils adoptif de Dieu. » Dans une discussion publique en présence du pape Honorius II, Gerhoch lut un écrit composé par un chanoine de Latran, dont le pape approuva la conclusion : quod etiam secundum hominem Christusest filins Uei naturalis, non adoplivus. Epist. ad Adrianum P., dans Bach, loc. cit., t. il, p. 427. Un peu plus tard, un disciple d’Abélard devenu chanoine de Latran, Adam, renouvela les mêmes erreurs sous une forme non moins choquante. Il disait que « le Christ est en partie Dieu, en partie homme », ou, comme le lui reproche Gerhoch, semi deus. Le prieur de Reichersberg le confondit et Adam, préférant l’apostasie à la soumission, s’enfuit en Apulie.

2° Controverses en Allemagne entre Folmar et Gerhoch (1150-1164). — Folmar, prévôt de Triefenstein, dans le diocèse de Wurzbourg, avec de grossières erreurs sur l’eucharistie, propagea l’adoptianisme envisagé surtout dans ses conséquences. Jésus-Christ, disait-il, n'étant ni Fils de Dieu, ni égal à son Père, on doit lui refuser l’adoration et tout culte de latrie. L’infatigable Gerhoch écrivit aussitôt, contre celui qu’il nomme follis amarus, son livre De gloria et honore Filii hominis, P.L., t. Clxxxiv, col. 1174 sq., et dénonça le novateur à Éberhard, évéque de Salzbourg. Des conférences tenues à Bamberg, sous la présidence de ce prélat, envenimèrent la querelle. C’est, qu’en effet, Gerhoch et son frère, Arno, doyen du même monastère de Reichersberg, par horreur de l’adoptianisme, tombaient dans l'écueil opposé et, tout en anathématisant Kutychès, revendiquaient non seulement pour la personne de l’Homme-Dieu, mais pour la nature humaine elle-même, les attributs de la divinité, la science incréée, la toute-puissance, l'égalité absolue avec le Père, préludant ainsi, sans le vouloir, aux luthériens ubiquistes. Les jésuites Stewart, /'. L., . cxciv, col. 1530, et Gretser, Opéra, t. xii, part. II, p. 100, l’avaient justement remarqué et le ! )' Bach, Dogmengeschichte, t. ii, p. Vil, les a, bien à tort, accusés à ce sujet de favoriser l’adoptianisme. L’erreur de Gerhoch, constatée par B. Pez, Thésaurus anecd., t. v, dans /'. L., t. cxciii, col. 478, se trahit en mille endroits, par exemple In Psalm. vui, 2, P. L., t. cxciii, col. 743 ; lu

Psalm. xiii, 1, ibid., col. 815 ; In Psalm. cxxxiii, P. L., t. cxciv, col. 896 : œcjite omnipotens in utraque natura divina et humana, cum sit ulriusque naturse una el indivisa gloria ; Epist. ad ep. Ramberg, P.L., t. cxciv, col. 1067-1068 ; Epist. ad Ottonem, P. L., t. cxciii, col. 596, et surtout 600. Cette erreur de Gerhoch explique seule son insuccès et les péripéties de la controverse : d’abord l’opposition ardente d'Éberhard, évêque de Bamberg, qui signale avec une grande sagacité l'équivoque dont Gerhoch est victime. Epist., viii, contra Gerhochum, P. L., t. cxciii, col. 501 et surtout 506 ; — ensuite la décision du synode de Frisach qui se prononce unanimement contre Gerhoch et ses deux frères, ses seuls défenseurs. Cf. Gerhoch, Epist., xvii, ad Alex. III, P. L., t. cxciii, coi. 566 ; Lib. de gloria et honore Filii, c. xvii, P. L., t. cxciv, col. 1136 ; — enfin le refus d’Alexandre III de trancher un différend que rendaient alors inextricable les exagérations des deux partis. Le pape, tout en louant le zèle de Gerhoch, dans deux lettres du 22 mars 1164, lui imposa, aussi bien qu'à ses adversaires, un silence absolu sur ces questions. P. L., t. ce, col. 288-289 ; Jaffé-Loewenfeld, n. 11011 (7369) et 11012 (7370).

3° En France, progrès du MiAî71sme(1140-1177). — Deux maîtres contribuèrent puissamment à acclimater dans les écoles le semi-nestorianisme : Gilbert de la Porrée, au moins d’après Gerhoch, qui donne souvent à tous les partisans du système le nom de Gilbertins, P. L., t. cxciii, col. 590-593 ; t. cxciv, col. 1080, et Pierre Lombard qui, en l’admettant à titre d’opinion plausible dans son troisième livre des Sentences, dist. VI-X, lui gagna une foule d’adeptes, grèges scolarium, dit Jean de Cornouailles, lui-même longtemps séduit. En face des novateurs, Bobert de Melun et Maurice de Sully, dans leur enseignement à Paris, puis Jean de Cornouailles et le trop ardent Gautier de Saint-Victor dans leurs écrits, défendirent la vérité et préparèrent la décision de 1177. Cf. Jean de Cornouailles, Eulogium, P. L., t. cxcix, col. 1055.

Retentissement de la controverse en Orient.


En 1166, l’empereur grec Manuel Comnène réunit à Constantinople un grand synode dont les canons seuls étaient connus, dans Mansi, Concil. ampl. coll., t. xxii, col. 4, quand le cardinal Mai retrouva les actes et les publia dans sa Scriptorum veterum nova collectio, t. iv, p. 1-96. Le but de l’empereur était de mettre un terme à de vives polémiques sur ces paroles du Christ, Joa., xiv, 28 : « Le Père est plus grand que moi. » Fallait-il les appliquer à l’humanité de Notre-Seigneur, et prendre à la lettre la formule du symbole dit d’Athanase : minor Pâtre secundum humanitdtem 1 '? A la suite de l’empereur, le synode, dans son canon 2, affirma, de concert avec la tradition, l’infériorité de la nature humaine. Voir Hefele, Histoire des conciles, trad. Delarc, t. Vil, p. 468-470. Or, ce débat est précisément celui qui avait éclaté en Allemagne entre Gerhoch et ses adversaires. D’ailleurs, le D r Bach, Dogmengescliichte, t. ii, p. 725-728, a prouvé par les textes des historiens et des théologiens orientaux (Nicolas Choniates, Jean Cinname, Démétrius de Lampe et Jean de Corcyre), que cette controverse en Orient était née des disputes occidentales.

III. Condamnation tar Alexandre III (1161-1177). — Dans le concile de Tours (mai 1163) une discussion s’engagea devant Alexandre 1Il et les 127 évéques assemblés sur la fameuse question, an Chris tus secundum quod homo, sit persona vcl aliquid, mais d’après Jean de Cornouailles, Eulogium, Prseamb., P. L., t. cxcix, col. 1043, la question fut laissée en suspens. — En 1164, au concile de Sens, la question fut reprise, d’après les innales de Beichersberg. Cf. Motiumenta Germanix, t. xvii, p. 477 ; Déni Ile, Chartularium univers. Paris., 1. 1, n. 4. Alexandre III ayant assemblé, le 24 décembre, les