Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/130

Cette page n’a pas encore été corrigée

225

ABSOLUTION DES PECHES CHEZ LES ANGLICANS

226

Les cinq autres « ne doivent pas être tenus pour sacrements de l’Évangile » ni ne sont des sacrements au sens de « signes efticaces de la grâce ». Même doctrine à peu près dans le « Catéchisme ou Instruction que toute personne doit apprendre avant d’être amenée à l’évêque pour être confirmée ». [Les 30 articles et le Catéchisme se trouvent dans le Prayer-Book.] Même doctrine encore, sauf légères différences, dans le second livre des Homélies, Homélie IX (The Honiilies, Cambridge, 1850, p. 356). Enfin, l’évêque Jewell, longtemps regardé comme le théologien officiel de l’Eglise anglicane, dans son Apologia, publiée en 1562, l’année des 39 articles, ramenait le pouvoir des clefs à deux choses : prêcher l’Évangile et le pardon des péchés, chasser de l’Église les pécheurs scandaleux et y recevoir les repentants.

Les documents canoniques nous mènent aux mêmes conclusions. Dans la Rcformatio legum, la notion de la grâce sacramentelle et de Yopus operaliim est si atténuée que la définition du sacrement se dislingue peu ou point de la définition luthérienne ou calviniste mitigée. Voir le titre De hæresibus, c. xvii, et le titre De sacramentis, c. i. A ce dernier endroit, il est dit expressément qu’il n’y a que deux sacrements, le baptême et l’eucharistie : et au même titre, c. ix, on parle de la visite dés malades, mais sans la moindre allusion à la confession et à l’absolution privée du Prayer-Book. Enfin au titre De divinis of/iciis, c. vii, il est question de visite au ministre la veille de la communion, d’examen de conscience, et même d’absolution en cas de besoin (et si plene se ministro probaverit, crimine, si opus fuerit, solvatur). Mais il est difficile de voir là autre chose que la confession et l’absolution luthériennes.

Tels sont les textes officiels, du inoins les textes constitutifs et fondamentaux. Quelques points en ressortent nettement. La confession privée n’est pas nécessaire pour le pardon des péchés ; elle est permise cependant, et l’absolution privée, malgré le terrain perdu à chaque révision du Prayer-Book, a fini par s’y maintenir, cantonnée en un petit coin. (Quant à savoir si, pour avoir droit à cette absolution, la confession intégrale est nécessaire, voir l’article Confession chez les anglicans.) Il faut admettre ensuite que les auteurs du Prayer-Book prétendaient remplacer par les confessions et absolulions générales des prières quotidiennes et de la communion, la confession et l’absolution privées. Ce point a été nié par quelques rares anglicans, par Maskell notamment, mais pour des raisons de logique et de dogme qui ne sauraient prévaloir contre les faits. Enfin, quelle que fut la pensée des auteurs du Prayer-Book, les documents dogmatiques et canoniques sont nets pour dénier à l’absolution toute efficacité proprement sacramentelle, et quelques textes obscurs ne sauraient prévaloir contre des affirmations formelles et répétées.

II. Doctrine des théologiens anglicans.

La doctrine des théologiens anglicans sur l’absolution et sur le sens des formules du Prayer-Book est des plus variées. Maskell, en 1849, émanerait six interprétations différentes et en ajoutait lui-même une septième. Les uns attribuent même efficacité aux trois formules, soit pour les faire toutes les trois purement déclaratives, soit pour leur attribuer.à toutes une certaine efficacité salutaire et une certaine puissance de conférer (to convey) la grâce ; d’autres les distinguent diversement, faisant, par exemple, de la première une déclaration juridique (authentique, mais ministérielle) de pardon ; de la seconde, une prière officielle et toujours exaucée ; de la troisième, une vraie absolution efficace, soit des péchés (quand on admet le sacrement de pénitence), soit des censures et peines ecclésiastiques (quand on rejette le sacrement de pénitence). Sur cette question, comme sur tant d’autres, beaucoup — et ceux-là ont le véritable esprit de l’Église anglicane — préfèrent

D1CT. DE THÊOL. CATIIOL.

un certain vague à des notions trop précises. Plusieurs parmi eux parlent couramment de grâce conférée ou de sacrement de pénitence, qui ne voient guère dans la grâce que la bienveillance divine, et qui rejetteraient sans hésiter Yopus operatum de la doctrine catholique. Il ne faut pas non plus leur demander des idées coordonnées en un système qui se tienne. « Inconséquence logique (inconsistency), » est une des remarques qu’on trouve le plus fréquemment sous leur plume quand ils se jugent les uns les autres. Ajoutons — et c’est encore un trait bien anglican — qu’ils sont souvent moins préoccupés du fond des choses et de la logique, que de l’effet pratique. Combien, par exemple, sous les Stuarts, ont parlé de la troisième absolution tout comme’, les catholiques, uniquement pour montrer que 1 Eglise anglicane, en fait d’absolution, n’avait rien à envier à l’Église romaine ! Voir dans Maskell, An inquiry upon the Doctrine of the Church of England upon Absolution, Londres, 1849, c. il, les textes d’Overall, p. 12, 13 ; de Sparrow, p. 19, 20, etc. En somme, sur ce point comme sur tant d’autres, les théologiens anglicans se divisent en deux grands groupes, d’après les deux tendances qui ont toujours existé dans l’Église anglicane (tendance low Church ou basse Eglise, comme qui dirait protestante ; tendance high Church ou haute Église, traditionnelle et, en un sens, catholique). Les uns, ne voyant dans le ministre qu’un porte-parole, ont pour eux les Articles, les Homélies (ix 6 et XIX"), l’esprit même des réformateurs ; les autres, admettant à peu près les idées catholiques sur la grâce, sur les sacrements et sur l’efficacité de l’absolution, ont pour eux, avec quelques mots du Prayer-Book et, si l’on veut, quelques textes obscurs du Catéchisme, de la IX" Homélie, du titre De divinis of/iciis, c. vii, la tradition catholique, à laquelle ils croient pouvoir faire appel, et les textes évangéliques sur le pouvoir de remettre les péchés. L’idée protestante, souvent dissimulée, aux temps d’Elisabeth et dis Stuarts, sous des expressions quasi orthodoxes, régna presque seule depuis la révolution de 1688 jusqu’au mouvement d’Oxford (lancé entre 1833 et 184-0), et deux fois au moins dans notre siècle l’Église officielle s’est prononcée en sa faveur — dans Y Assemblée (Convocation ) de 1873 et dans le second synode pan-anglican (second Lambelh Conférence) en 1877 — et a nettement rejeté le sacrement de pénitence. Liddon, The life of Pusey, Londres, 1897, t. iv, p. 263 ; cf. p. 311.

Malgré tout, l’idée high Church a fait son chemin avec Pusey, Mackonochie, Forbes, Carter, etc. Pusey ne s’est jamais nettement prononcé sur la valeur des deux premières absolutions : parfois, il semble accepter l’idée des vieux théologiens anglicans, dellookerpar exemple, qu’en pensant, au moment de la confession générale, à ses péchés particuliers, on les soumet suffisamment aux clefs de l’Église etonen obtient ainsi le pardon ; ailleurs, il se contente de dire que la confession privée et l’absolution ne sont pas nécessaires ; mais toujours il a maintenu l’efficacité sacramentelle de l’absolution privée. Voir son sermon sur YEntière absolution du pénitent, Oxford, 1846, sa Lettre à l’évêque de Londres en 1851, p. 19 sq., sa déclaration de 1873 en réponse à l’acte officiel des évê pies, laquelle fut signée par les membres les plus marquants du parti high Church. Liddon, The life of Pusey, t. iv, p. 266 sq.

Maskell, en 1849, nia vigoureusement la valeur sacramentelle des deux premières absolutions, et montra que la confession particulière était une condition nécessaire pour l’absolution sacramentelle ; mais ses arguments débordent les positions anglicanes et mènent à Rome. Il tient pourtant pour l’anglicanisme et revendique vivement la liberté de la confession : il ne croit pas encore le sacrement de pénitence nécessaire, ni re ni voto ; mais si le pécheur veut être délié par les clefs de l’Église et recevoir l’absolution sacramentelle, il

1. - a