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ABSOLUTION DES PECHES CHEZ LES PROTESTANTS


parmi nous des personnes qui pressées par quelque inquiétude de conscience peuvent avoir besoin d’avis spécial et de consolation de notre part, nous sommes prêts, en vertu de notre office et selon nos forces, à les leur accorder. » On voit, et la rubrique l’indique expressément, qu’une place est réservée à la confession et à l’absolution particulières. L’auguste auteur de cette liturgie, le roi Frédéric-Guillaume III, aurait voulu davantagè encore, quelque chose en pratique comme la confession obligatoire. Hering, p. 308.

Dans l’Agende d’Anhalt, même procédé à peu près, mais avec plus de développement dans les questions sur la confession. Après quelques préparatifs, le ministre : « Ceux qui avec une vraie pénitence reviennent à Dieu, doivent maintenant pour la consolation de leurs consciences recevoir l’absolution de leurs péchés. Mais ceux qui vivent sciemment dans le péché et qui n’ont pas le sérieux propos de s’amender, je les avise et les avertis sérieusement de ne pas attirer par leur hypocrisie la colère de Dieu et son jugement sur leur âme. Dieu vous donne à tous son Saint-Esprit pour vous convertir sérieusement par J.-C. Levez-vous et répondez du fond du cœur à mes questions devant le Dieu saint et qui sait tout. » Suit la belle scène des questions et des réponses comme quelques-uns se rappellent encore l’avoir vue aux offices des soldats allemands durant l’invasion : « Confessez-vous que vous avez en plusieurs façons péché contre Dieu et bien mérité ses châtiments ? El regrettez-vous de cœur ces péchés ? Répondez : Oui.

— Réponse : Oui. — Croyez-vous et confessez-vous que le Dieu tout-puissant, pour l’amour de J.-C. veut vous être propice et vous pardonner vos péchés ? Répondez encore : Oui. — Réponse : Oui. — Voulez-vous aussi renoncer à vos péchés et par l’aide du Saint-Esprit amender votre vie ? Dites encore une fois : Oui. — Réponse : Oui. » Puis verset et prières à genoux. Enfin absolution, à peu près comme ci-dessus. Hering, p. 212. Cérémonie toute semblable pour la communion des malades. Hering, p. 213. Ces absolutions déclarativesou médiates ne sont pas, on le voit, l’absolution catholique ; et il faut avouer qu’elles répondent mieux au sens premier de Luther. D’autre part, Luther, au moins dans sa seconde manière, a fort insisté sur l’absolution indicative (les Allemands disent exhibitive), laquelle évidemment est plus conforme aux mots de l’Évangile : ceux dont vous aurez remis les péchés, ilv leur seront remis, etc. Toutes, du reste, supposent des conditions de repentir et de ferme propos, qu’on essaie subtilement de nous montrer comme conciliables avec la doctrine de la justification par la foi seule ; mais comment nier qu’elles nous mènent bien loin du radicalisme primitif : « Croyez, et c’est assez ; » loin aussi de Luther (première façon) sur un autre point encore, car l’idée du pouvoir d’absoudre donné- à tous s’est complètement perdue. On sait, du reste, comment, pour des raisons qui n’ont rien de doctrinal, les propres pasteurs prirent de plus en plus le monopole de l’absolution privée, tandis que dans l’Église catholique la tendance a toujours été dans le sens de la liberté pour le choix des confesseurs. Cf. Lea, ouvrage cité plus bas, p. 517, et Realencyklopâdie, t. ii, p. 539.

IV. Zwingle et Calvin ; Églises réformées. — Zwingle et Calvin n’ont jamais eu les incertitudes et les hésitations de Luther ou de Mélanchthon sur le sacrement de pénitence. Cependant eux non plus n’ont pus su se défaire pleinement des idées d’une intervention humaine dans le pardon des péchés. Zwingle, dès 1523, déclarai ! que Dieu seul remet les péchés, et que c’est une idolâtrie d’attendre le pardon d’une créature (toujours l’idée catholique défigurée ! ) La confession à un prêtre ou ;’i un voisin ne saurait être que pour direction. Mais Zwingle ajoute que refuser à un pénitent la rémission d’un seul péché, c’est agir en délégué du diable, non

de Dieu. Il est vrai que, dans sa confession de 1536, il n’y a plus aucune concession sur ce point au sacerdotalisme. Cf. Lea, p. 519. Toute rémission vient du Christ et s’obtient uniquement par la foi à la rémission du Christ, et par l’appel à Dieu par le Christ. Nul homme, dit Zwingle, ne sait la foi d’un autre, et ainsi toute absolution de l’homme par l’homme est chose futile. Textes dans Niemeyer, ouvrage cité plus bas, p. 55. Zwingle, en ce point, était plus conséquent que Luther.

Calvin fut moins radical. Lui aussi reconnaît que nul homme ne saurait absoudre, et que nul ne sait la foi d’un autre. Mais, selon lui, les ministres, comme témoins et garants, donnent plus d’assurance à la conscience du pécheur, et c’est en ce sens que l’on dit qu’ils remettent les péchés et donnent l’absolution. Pour la certitude de l’absolution, Calvin a été plus conséquent que Luther. Comme le pardon divin est conditionnel, et dépend de la pénitence et de la foi, comme, d’autre part, on ne peut savoir si ces conditions sont réalisées, l’absolution doit être conditionnelle dans la forme, et ainsi elle ne s’égare jamais. Calvin n’y attache d’ailleurs aucune idée sacramentelle. Il regarde la confession privée comme prescrite par saint Jacques, v, 16, mais on la fait à qui l’on veut. Pourtant, avec ses tendances autoritaires, il ne pouvait que pousser à s’adresser aux ministres. La liturgie calviniste n’a pas de formule d’absolution : Calvin en 1561 exprimait son regret de n’avoir osé en prescrire une. Il semble pourtant avoir essayé. Cf. Lichtenberger, Encyclopédie, art. Culte, t. iii, p. 529. Car l’édition de Strasbourg publiée par lui, Forme des prières, indiquait celle-ci, après la confession générale (ou Exhortation) et les paroles de consolation : « Un chascun de vous se recognoisse vraiment pécheur, s’humiliant devant Dieu, et croye que le Père céleste luy veut être propice en Jésus-Christ. A tous ceux qui en ceste manière se repentent et cherchent Jésus-Christ pour leur salut, je dénonce l’absolution des péchés être faicte au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen. » Cette absolution n’est pas restée. Il faut avouer, du reste, que cette foi de chacun « que le Père céleste lui veut être propice » s’accorde difficilement avec les doctrines calvinistes de la réprobation positive antécédente.

La Confession helvétique de 1566, qui mitigé à la fois Calvin, Zwingle et Luther, insiste, c. xiv, sur la suffisance de la confession à Dieu seul : Credimus autem hanc confessionem ingenuam quæ soli Deo fit vel privatim inter Deum et peccalorcm, vel palam in Templo, ubi generalis illa peccatorum confessio reeltatur, sufficere, nec necessarium esse adremissionem peccatorum consequendam ut quis peccata sua confiteatur sacerdoti susurrando in aures ipsius, ut vicissim et impositione manuum ejus audiat ab ipso absolutionem.Syntagma, p. 23-24. Du reste, on ne désapprouve pas (non impivbamus ) le recours « au ministre ou à quelque frère docte en la loi de Dieu », pour lui demander en particulier conseil, lumière et consolation. D’absolution, pas un mot. Le pouvoir des clefs est ramené à la prédication. Rite itaque -et efficaciler minislri absolvunt dum Evangelium Christi et in hoc remissionem peccatorum prsedicant… Nec putamus absolutionem hanc efficaciorem fieri per hoc quod in aurem alicui axt super caput alicujus singulariter immurmurant. Ibid. Ils en veulent, on le voit, à l’absolution privée. Mais en quoi consiste l’efficacité de cette absolution générale (puisqu’il faut appeler absolution cette prédication de l’Évangile pour trouver une place au pouvoir des clefs, qu’il faut bien reconnaître dans l’Écriture) ? A exciter la foi et le repentir. D’ailleurs, c. xviii, on accorde un certain pouvoir au ministre, comme au portier ou à l’économe dans une maison : Dominus ratum habet quod finit, ipsumque

minislri sui fœtum Ut sitnni mil ; rslimari ali/ue agnosci. Synt., p. 39-40. C’était déjà à peu près la doctrine de la Confession de Bâle, en 1536 ; mais avec une