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ABSOLUT. DES PÉCHÉS, FORME ACT.

DOCTRINE CATH.

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tence, le rend à la vie et le ressuscite ; pour le ministère du prêtre, il fait seulement disparaître l’obligation de subir la peine : ministerio autem sæerdotis solum reatus tollitur. » Denzinger, Enchiridion symbolorum, n. 938, Wurzbourg, 1888, p. 2M3. Car Pains appelait reatus non pas la culpabilité, mais seulement l’obligation de subir la peine. Voir sa 56e proposition condamnée, ibid., et au mot Baius.

3° Mais enfin quel est le sens exact des paroles Ego te absolvo ? Il faut bien en déterminer la signification précise pour expliquer ces deux faits : 1. il arrive que malgré la sentence du prêtre les péchés ne sont pas pardonnes, dans le cas, par exemple, où le pénitent n’a pas la contrition suffisante. 2. Il arrive aussi que l’absolution est validement conférée pour des péchés déjà remis soit par la contrition parfaite, soit même par une absolution précédente. Comment dans ces deux cas, le sens des paroles de l’absolution reste-t-il vrai ?

Saint Thomas dit dans la III » partie de la Somme, q. lxxxiv, a. 3, ad5 lliii, que la formule de l’absolution signilie la même chose que cette autre qui n’en est que la traduction plus explicite : « Je vous confère le sacrement de l’absolution, iiego sacramentum absolittionis libi impendo. Cette proposition se vérifie quand même le pénitent n’aurait accusé que des péchés déjà pardonnes, car le sacrement lui est conféré et la grâce sacramentelle est produite, n’effaçant pas sans doute des péchés qui ne sont plus, mais augmentant dans l'âme la vie surnaturelle. Dans l’hypothèse où le pénitent est mal disposé, la matière du sacrement fait défaut ; on comprend dès lors que la forme ne produise pas toute seule l’effet qu’elle signifie.

Suarez estime que l’interprétation donnée par saint Thomas a besoin d'être précisée davantage, et il donne du sens de l’absolution une explication détaillée qui peut se résumer dans cette autre formule : Je vous confère la grâce sanctifiante autant qu’elle est capable par ellemême de remettre le péché : ego tibi gratiam sanctificantem conféra, quantum est ex se remissiva peccati. La grâce sacramentelle de la pénitence est donnée, même quand les péchés confessés avaient déjà été remis auparavant ; il reste sous-entendu d’autre part que, dans ce sacrement comme dans les autres, le signe sacramentel n’a d’efficacité que si le sujet n’y oppose point d’empêchement. Ainsi sont résolues les difficultés proposées. Suarez, op. cit., disp. XIX, sect. ii, n. 13-20, p. 412-414.

De Lugo reproche à Suarez de mettre en première ligne, dans son explication des paroles de l’absolution, la production de la grâce, et en seconde ligne seulement la rémission du péché. Il ne s’agit pas, dit-il en substance, de savoir si au point de vue logique la production de la grâce précède la rémission du péché, mais de déterminer quel est l’effet directement signifié par les mots : « Je t’absous, » absolvo te. Or, il n’est pas contestable que ces mots, dans leur sens propre et naturel, signifient directement la rémission du péché, et indirectement la production de la grâce qui est la cause formelle de cette rémission. D’où le savant jésuite propose une autre explication, que Palmieri, Tractalux de psenitentia, Rome, 1879, p. 123, résume dans cette formule ; « Je te délivre du lien du péché, ou je te remets tes péchés, en te conférant la grâce qui les ctt.icf, » ego le solro " ne.ru peccatorunt, vel tilii rouilla offensam divinam, conferens gratinai delentem peccata. — Si le pénitent a déjà été pardonné, si l’offense a déjà été remise, rien n’empêche qu’il y ait nouveau pardon, nouvelle rémission, lie même que celui qui s : si olili- 3 un service vis-a-vis dun imi peut rîitîrîi son engage ni et s’obliger à nouveau jusqu'à ce que le service soit effectivement rendu, de même celui qui a renoncé à un droil peut renouveler dix, in^t et cent fois sa renonciation, et celui qui a pardonné peut réitérer son pardon. Pour que nous fassions acte de renonciation à un droit, pas n’est besoin que ce droit soit actuellement nôtre, il suffit qu’il l’ait été à un moment donné ; et ce n’est pas mentir quand on a déjà accordé son pardon que de répéter à nouveau qu’on pardonne. Ainsi est vraie, conclut De Lugo, l’affirmation que le prêtre porte au nom de Dieu sur des péchés déjà pardonnés : Ego le absolvo a peccatis tuis. De Lugo, op. cit., disp. XIII, sect. iii, n. 69-74, p. 583-585.

A. Beugnet.

VI. ABSOLUTION. Doctrine de l'Église catholique.


I. Pouvoir de l'Église de remettre les péchés.
II. Efficacité de la sentence d’absolution.
III. Ministre de l’absolution. —

Les articles qui précèdent et qui suivent exposent les preuves d'Écriture sainte ou de tradition de la doctrine catholique, et répondent aux principales objections qui y ont été faites. Nous nous bornerons donc dans celui-ci à rappeler les principales de ces preuves et à faire connaître les décisions de l'Église.

I. Pouvoir de l'Église de remettre les péchés. —

Jésus-Christ a donné aux apôtres et à leurs successeurs le pouvoir de remettre les péchés, par des paroles formelles que nous retrouvons dans l'Évangile : Matth., xvi, 19 ; xviii, 18 ; Joa., xx, 21-23. Voir I Absolution d’après la sainte Ecriture. En raison de cette divine institution, l'Église a toujours revendiqué et exercé le pouvoir d’absoudre les pécheurs. Ce fait a été démontré aux articles II Absolution au temps des Pères, III Absolution dans l'Église latine du viie au XIIe siècle et IV Absolution, Sentiments des anciens scolasliques. Inutile de revenir sur les textes nombreux qui y ont été apportes. Rappelons seulement que les représentants de l'Église n’ont cessé d’affirmer ces trois points ; 1° l’Eglise a le pouvoir de remettre les péchés ; 2° elle a ce pouvoir en vertu des paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; 3° elle l’a sans restriction et pour tous les péchés.

Wiclef au xive siècle, Luther et Calvin au xvie, nièrent le pouvoir d’absoudre dans l'Église. Le concile de Trente, sess. XIV (1551), rappela contre ces hérétiques la foi constante de l'Église catholique : « L’institution de Notre-Seigneur Jésus-Christ est tellement certaine, ses paroles sont tellement claires, que tous les Pères ont été d’accord pour conclure de là que les apôtres et leurs successeurs légitimes ont le pouvoir de remettre les péchés et de réconcilier les fidèles tombés après le baptême. C’est pourquoi l’Eglise catholique a rejeté de son sein à bon droit, et condamné comme hérétiques, les novatiens qui niaient obstinément autrefois le pouvoir d’absoudre. » Sess. XIV, c. I. — Voici maintenant la définition dogmatique et la sanction disciplinaire : « Si quelqu’un dit que ces paroles de NotreSeigneur : Recevez le Saint-Esprit, les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez et retenus à ceux à qui vous les retiendrez, Joa., xx, 23, ne doivent pas être entendues du pouvoir de remettre ou de retenir les péchés dans le sacrement de pénitence, comme l'Église catholique l’a toujours compris depuis l’origine ; mais les interprète, contrairement à l’institution du sacrement, de la mission de prêcher l'Évangile ; qu’il soit anathème ! » Sess. XIV, can. 3.

II. Efficacité de la sentence d’absolution. — La sentence d’absolution n’est pas une simple déclaration ilu [jardon accordé par Dieu, mais une sentence efficace qui produit elle-même la rémission des péchés. Ceci ressort évidemment des paroles de Notre-Seigneur JésusChrist, qui a dil, non pas ; « Les péchés seront remis à ceux à qui vous le déclarerez, » mais : « Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez. » Joa., xx, 23. Voir I Absolution d’après la sainte Ecriture. Insistons seulement pour dire que la tradition chrétienne et l’unanimité morale des théologiens ont toujours compris dans ce sens l’institution divine du sacrement de pénitence.