Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/109

Cette page n’a pas encore été corrigée

-183 ABSOL. DES PÉCHÉS, SENTIMENTS DES ANC. SCOLASTIQUES

184

sur cette question, c’est la recommandation et même la prescription qu’on trouve dans plusieurs d’entre eux. de se confesser à d’autres que des prêtres, en cas de nécessité, lorsqu’on ne peut s’adresser à un ministre revêtu du sacerdoce. Nous ne nous occuperons pas des confessions publiques dont il a été parlé aux articles précédents et sur lesquelles on reviendra au mot Confession. Nous ne nous occuperons pas non plus des confessions privées faites à des laïques, à des diacres, ou à des supérieures de communautés religieuses, en dehors des règles reconnues par l'Église et les théologiens, soit par dévotion spontanée des pénitents, soit par abus de pouvoir des confesseurs. Ces faits exceptionnels n’entrent guère dans le cadre du développement des doctrines théologiques. Nous ne parlerons que des confessions à des clercs inférieurs ou à des laïques, préconisées par des auteurs estimés de leur temps. Les enseignements émis à leur sujet compléteront l'étude que nous venons de faire sur les théories relatives à l’efficacité de l’absolution sacerdotale ; car, nous allons le voir, ces enseignements ont été la conséquence, d’une part, de la doctrine universellement admise que les prêtres seuls ont le pouvoir d’absoudre, et, d’autre part, des hésitations de la théologie au sujet de la part respective qui appartient aux actes du pénitent et à l’absolution sacramentelle dans la rémission des péchés.

1° Du commencement du viih siècle à la fin du x : >. — Au {{rom-maj|VIII)e et au {{rom-maj|IX)e siècle, plusieurs auteurs se fondant sur ces paroles de saint Jacques, v, 16 : Confilemini alterutrum peccata vestra, recommandent de confesser ses péchés légers et quotidiens à ceux avec qui on vit, et font observer que la confession des péchés graves doit être réservée aux prêtres. Citons le Vénérable Bède (673-735), Expositio sup. Epist. S. Jacobi, c. v, P. L., t. xciii, col. 39 ; il ajoute qu’il y a lieu de croire qu’on sera sauvé par les prières quotidiennes de ceux à qui on accuse ses fautes journalières. Walafrid Strabon (807-849), Glossa ordinaria Epist. B. Jac, c. v, P. L., t. cxiv, col. 675, reproduit textuellement les paroles du vénérable Bède. Hincmarde Reims (f882) les cite aussi dans sa lettre à Hildebald, évêquede Soissons. Epist., xxvi, P. L., t. cxxv, col. 174. Il est sûr que ces auteurs attribuaient à toute confession de ses fautes une eflicacité pour les remettre, car le vénérable Bède fait cette observation : neque sine confessiune emendationis peccata queunt dimilli. Mais dans la recommandation dont nous venons de parler est-il question d’une confession proprement dite à des laïques ? Il nous paraît impossible de l’admettre. Il s’agit simplement d’un aveu fait en conversation. Cet aveu n'était suivi d’aucune absolution ou bénédiction, puisqu’il avait pour but d’obtenir de ceux à qui on le faisait un souvenir dans leurs prières de chaque jour. On le distingue d’ailleurs clairement de la confession proprement dite faite aux prêtres, confession de fautes graves qu’on n’avouait qu'à eux pour obtenir l’absolution. A la fin du xr siècle, Raoul Ardent († 1100) de Poitiers, docteur en théologie, professeur et prédicateur célèbre, parle encore de la confession aux laïques dans le même sens. « La confession des grandes fautes (criminalium), dit-il dans une de ses homélies, doit être faite au prêtre qui seul possède le pouvoir de lier et de délier. Pour la confession des fautes vénielles (ventalium), elle peut être faite à n’importe qui, même à un inférieur. Non qu’il puisse nous absoudre, mais parce que notre humiliation et la prière de notre frère nous purifieront de nos péchés. Et quand doit se faire cette confession ? En tout temps où nous nous apercevons d’avoir péché. Que j’aie péché à la maison, aux champs, en voyage, je dois aussitôt dire à mon frère qui est avec moi : « J’ai péché, « prie/ pourmoi. » Si personne n’est avec moi, je dois me confesser à Dieu en disant : « Seigneur, j’ai péché, ayez (i pitié de moi. » iJiiiiihIii di’tiii fim rmifessio h ; vc"> Oui ni lemporc quo nos pcccasse cognoscimus. Sive cn’tni dunii,

sive in agro, sive in via peccavero, debeo stalini dicere fratri qui mecum est : « Peccavi, ora pro me. » Qui si non aderit, debeo confiteri Deo dicens : « Domine, peccavi, miserere mei. » Homil., lxiv, in Litaniamajori, P. L., t. clv, col. 1900. Il est absolument évident qu’il s’agit là d’aveu sans aucun rapport avec le sacrement de pénitence, dont l’administration est d’ailleurs attribuée exclusivement aux prêtres. La manière dont la confession des péchés graves aux prêtres est comparée à l’aveu des fautes légères aux laïques, donne même lieu de conclure que la pratique d’une confession proprement dite à des laïques était complètement inconnue de Raoul Ardent, aussi bien que d’Hincmar et de Bède. Je remarque d’ailleurs que cette pratique ne se manifeste comme un usage courant du moyen âge, que dans les récits de la fin du {{rom|xi)e siècle et des siècles suivants. Cf. Laurain, De l’intervention des laïques dans l’administration de la pénitence, Paris, 1897, p. 15, 27 sq. ; dom Martène, De antiquis Ecclesise rilibus, 1. I, a. 6, n. 7, Rouen, 1700, t. H, p. 37.

2° De la fin du XI' siècle à la fin du xih. — Cependant le premier texte authentique d’une date certaine où la confession à des clercs inférieurs ou à des laïques soit présentée clairement comme pouvant remplacer la confession sacramentelle au prêtre, a dû être écrit à peu près au même temps que Raoul Ardent prononçait son homélie. Il est de Lanfranc († 1089), abbé du Bec, puis archevêque de Cantorbéry. Nous avons déjà parlé de son traité De celanda confessione, où il se demande à qui on peut se confesser, pour avoir le pardon de ses péchés, lorsque les prêtres manquent à la discrétion et au secret auxquels ils sont tenus. Lanfranc répond qu’il convient que les péchés connus (apertis) soient toujours confessés aux prêtres, parce que le prêtre est le représentant de l'Église pour punir ou remettre les fautes publiques. Une autre raison, c'était aussi sans doute que, pour les fautes publiques, il n’y a pas matière à la discrétion et au secret auxquels certains prêtres sont supposés manquer. Pour les fautes cachées (occullis) on doit, pour en être purifié, les confesser, à défaut de prêtre, aux diacres ou aux autres clercs inférieurs, et à leur défaut à des laïques purs, ou même à Dieu. Pourquoi ? Parce que les clercs, ('tant investis d’un ministère sacré, sont comme des sacrements visibles qui purifient l'âme. Parce que nous savons parl’Ancien Testament, Num., xix, 14, 19, que tout homme pur peut purifier ceux qui ne le sont pas. De celanda confessiu>ie, P.L., ï. ci., col. 629, 630. Voilà assurément un texte bien différent de ceux que nous avons lus auparavant. Il présente la confession aux clercs inférieurs et aux laïques, comme capable de produire le même effet que la confession aux prêtres, et cela, à ce qu’il semble, pour les fautes graves, puisqu’on redoute de les voir dévoiler. Lanfranc cherche les avantages de cette confession, non plus dans l’humiliation du coupable, ou dans les prières de celui qui l’entend, mais dans une vertu sanctificatrice que celui-ci possède. Cependant il nesemble pas admettre que ce confesseur non prêtre puisse donner l’absolution sacerdotale ; si Lanfranc l’avait cru, il n’aurait pas manqué en effet de le dire ; car cette affirmation aurait mieux prouvé sa thèse que toutes les considérations mystiques qu’il invoque. Il paraît donc attribuer aux clercs inférieurs et aux laïques vertueux une vertu sanctificatrice semblable à celle de l’eau bénite, c’est-àdire, pour prendre le langage de la théologie actuelle, la vertu d’un sacramental. Sa doctrine ne semble d’ailleurs se rattacher à aucune théorie théologique sur l’absolution et la contrition. Elle ne se développa point non plus ; car l’opinion dont nous allons parler est motivée très différemment. Il y a cependant lieu de remarquer que Lanfranc fut le mailic de saint Anselme, le premier à qui

nous ayons entendu formuler la doctrine qui n’attribue à l’absolution du prêtre qu’une efficacité déclarative pour la rémission des péchés.