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ABSOLUTION DANS L’EGLISE LATINE DU VIP AU XIIe SIECLE

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prêtres et les évêques…, et que ce qu’il dit des évêques convient aussi aux prêtres. C’est par le pouvoir d’ordonner seulement qu’ils sont supérieurs aux prêtres et l’emportent sur eux. » In I Tir »., homil. ix, n. 1, P. G., t. lxii, col. 553. Toutefois, on a remarqué que, dans la formule d’ordination des piètres, manquent les mots qui semblent conférer aux évêques le pouvoir d’absoudre. Avant le XIIe siècle, la seule mention que l’on connaisse de cette formule appliquée aux simples prêtres, se trouve dans les Canons d’Hippolyte : Etiam eadeni oratio super eo oretur tota, iit siqier episcopo, cum sola exceptione nominis episcopatus, c. xxxi, loc. cit. Cette observation faite, il n’en reste pas moins acquis que le pouvoir d’absoudre, même publiquement, était reconnu aux prêtres, et exercé par eux en cas de nécessité.

Moment de la réconciliation ou absolution publique.

En règle générale, cette absolution, qui avait lieu le jeudi saint, ne devait être accordée qu’après l’achèvement de la pénitence publique : post peractam pœnitentiam, dit Benoît le Lévite, Capitul., l. I, c. cxvi, P. L., t. xcvii, col. 715 ; expleto satisfactionis tempore, remarque Isaac de Langres, tit. i, c. xii, Hardouin, ConciL, t. v, col. 422 ; post. complementum pxiiitentiæ dit Raban Maur, De clericor. institut., H, 30, P. L., t. cvii, col. 342 ; consummata psenitentia, dit le Pénitentiel de Théodore, l. I, c. xiii, n. 2. Mais d’assez bonne heure il y eut des exceptions à cette règle. Un vieil Ordo romain inséré dans le Ponti-Qcal de Toulouse, Morin, De psenitentia, l. IX, c. xvii, n. 7, p. 665, et dans le De divinis officiis, c. xiii, du pseudo-Alcuin, P. L-, t. ci, col. 1192, fait observer que, « si le pénitent ne peut se présenter le jeudi saint, soit pour cause de voyage, soit pour toute autre occupation, ou si le prêtre ne peut lui persuader qu’il est nécessaire d’attendre cette époque…, il devra le réconcilier aussitôt après avoir entendu sa confession et lui avoir imposé sa pénitence. » Si interest causa itineris aut cujuslibet occupalionis, aut si forte ita hebes est ut et hoc sacerdos persuadere nequeat, injutigat ei tam quadragesimalem quant et annualem pænitentiam et reconciliet eum stalim. Cet adoucissement de la discipline parait remonter à saint Boniface de Mayence. On voit, dans ses Statula, que, pour ne pas abandonner tout à fait les canons qui ont trait à la réconciliation des pénitents et dont l’application devenait extrêmement difficile, il recommande « au prêtre de réconcilier les pénitents aussitôt après avoir entendu leur confession » : propterca omnium non dimittatur observatio canonum, curet unusquisque presbyter, statim post acceptant confessionem, pœnitentium singidos data oratione reconciliari, c. xxxi, P. L., t. lxxxix, col. 823.

Effets de la réconciliation ou absolution publique.

Il devient clair, durant cette période, que la réconciliation n’a pas pour effet direct de conférer au pénitent le droit de participer à la communion eucharistique. Le concile de Worms de 868 accorde à certains criminels la permission de communier avant l’achèvement de leur pénitence, « alin qu’ils ne tombent pas dans l’endurcissement du désespoir, » ut desperantise non indurentur caligine, can. 26 et 30. Hardouin, ConciL, "t. v, col. 71l742. La même règle est posée par le concile de Tribur, de 895, can. 5, et de Mayence, 888, can. 16. Cf. Hardouin, t. v, ibid. A Rome, le pape Nicolas I er donne une décision conforme à ces principes. Hardouin, t. v, col. 350. Du reste c’était une vieille coutume dans l’Église qu’en cas de péril de mort les pénitents fussent admis à la communion sans être réconciliés. S’ils retrouvaient la santé, ils étaient astreints à faire leur pénitence, après quoi ils étaient réconciliés par l’imposition des mains. Cf. concile de Nicée, can. 13 ; concile d’Orange de 141, can. 3 ; concile d’Arlesde 193, can.28 ; deCarthage de398, can. 78. Le concile de Mayence de 816 préconise la même discipline. Il va même plus loin et déclare qu’il faut seulement faire connaître au pêcheur en danger de mort la pénitence dont il est passible, sans la lui imposer. Ab infirmis in mortis periculo positis per presbgleros pura inquirenda est confessio, non lamen Mis imponenda quanlitas pœnitentiae sed innotescenda. Si les malheureux « reviennent à la santé, ils accompliront diligemment la mesure de la pénitence qui leur aura été indiquée parle confesseur ». Chose plus remarquable encore, le concile semble dire nettement que la pénitence peut, au besoin, être remplacée équivalemment « par les prières des amis et par les aumônes volontaires », et cum amicorum oralionibus et élemosynarum studiis pondus pœnitentise sublevandum, ut si fortemigraverint, neobligatiexcommunicatione, alieni exconsorlio venise fiant, can. 26. Hardouin, t. v, col. 13. C’est là, si nous ne nous trompons, un texte qui implique l’idée de la théorie des indulgences. — De ces diverses observations, faut-il conclure que la réconciliation ou absolution publique exclut nécessairement l’idée de l’absolution proprement dite de la coulpe ? Nous ne le croyons pas. Du texte du pseudo-Éloi, par exemple, il résulte que les évêques pouvaient avoir le jeudi saint l’intention formelle de remettre les péchés. Les formules des Sacramentaires et des Pénitentiels se prêtent à la même interprétation. Il faut donc admettre « lue la réconciliation épiscopale était sinon toujours, au moins quelquefois, rémissive du péché, du reatus culpse, en même temps que de la peine, ou reatus pœnse. Nous empruntons ces expressions à la théorie scolastique.

IV. Absolution privée.

Il est inutile de démontrer que le ministre de cette absolution était le prêtre, aussi bien que l’évêque, et beaucoup plus fréquemment que l’évêque. Les Pénitentiels et les Ordines en font foi. Du reste tout ce qui prouve l’existence du prêtre pénitencier, en témoigne également. Ce qui est plus digne de remarque pour cette période, c’est l’intervention des moines, revêtus du sacerdoce, dans l’administration de la pénitence et de l’absolution. On a fait remonter au pape Boniface IV († 615) une décision ainsi conçue : « Quelques-uns, n’ayant aucun dogme pour appui, mais enflammés plutôt par le zèle de l’amertume que par la charité, affirment audacieusement que les moines, qui sont morts au monde, et vivent pour Dieu, étant indignes du pouvoir et de l’office sacerdotal, ne peuvent ni donner la pénitence ou le baptême, ni absoudre par le pouvoir qui a été divinement attaché à l’office sacerdotal. Mais ils se trompent absolument. » Hardouin, t. iii, col. 585 ; P. L., t. lxxx, col. 104. Ce décret est sûrement apocryphe. Il a pour base réelle un canon du concile tenu à Nimes par Urbain II, en 1096. Hardouin, t. vi b, col. 1749. Mais il faisait loi dès le début du xiie siècle. Yves de Chartres l’inséra dans son Decretum, vu, 22, et Gratien pareillement, Decretum, caus. XVI, q. I, c. 25.

A quel moment le prêtre donnait-il l’absolution rémissive du péché ? Le Capitulaire, que nous avons citéplus haut, de Benoît le Lévite semble indiquer qu’une réconciliation secrète avait lieu après l’achèvement de la pénitence : Si vero occulte et sponte confessus fue~ rit, occulte fiât… Post peractam vero secundum canonicam institutionem, occulte vel manifeste canonice reconcilietur, etc. P. L., t. xcvii, col. 715. Mais nous avons déjà vu que la réconciliation était accordée quelquefois au pénitent, aussitôt après sa confession. Les Staluta de saint Boniface consacrent cet usage. Dans tous les cas, la réconciliation ou absolution privée qui supposait la pénitence achevée, marquait, comme la réconciliation publique, que le pénitent était « délié » de tout lien ecclésiastique, en même temps qu’elle lui remettait, au besoin, ses péchés. C’est ce qu’enseigne expressément le Capitulaire de Benoit le Lévite déjà cité : ut divinis precibus et miserationibus absolûtus a suis facinoribus esse mereatur. L’absolution qui suivait