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AUGUSTINISME (DÉVELOPPEMENT HISTORIQUE DE V)


3. La liberté ou le pouvoir complet de ne point pécher est nécessaire pour que la faute soit imputable. Bains, n. 46, 66, 67, 68 ; Jansénius, 3e proposition. — a) Donc l’observation des préceptes n’est point impossible. Baius, proposition 5e ; Jansénius, l re proposition.

— b) Donc tous les actes d’un pécheur ne sont pas de nouveaux péchés, Baius, n. 35, 40 ; Quesnel, n. 45, 59 ; ni les actes des inlidéles. Baius, n. 25 ; Quesnel, n. 26, 27. — c) Donc la concupiscence n’est point un péché, sans le consentement libre. Baius, n. 50, 51, 74-75.

4. Surtout le rôle et la distribution de la grâce sont expliqués dans le sens de l’augustinisme tempéré par les scolastiques : a) La grâce eflicace laisse toute liberté de lui résister, 2e proposition de Jansénius ; a. 21 de Pistoie. Donc la grâce du Christ n’est point toujours efficace. Quesnel, n. 3-25, 31, 37, 69. — b) La grâce suffisante est donnée au moins aux justes, pour accomplir tous les commandements, et elle doit donner un pouvoir complet de bien faire, l re prop. de Jansénius.

— c) La doctrine de la rédemption universelle (et par suite de la volonté divine de sauver tous les hommes, de leur donner les moyens nécessaires) est vengée des attaques du jansénisme. 5e proposition de Jansénius. C’est là une confirmation solennelle de la doctrine commune parmi les théologiens, et depuis ces condamnations, elle a été universellement admise.

vu. l’augustinisme interprété par les écoles catholiques depuis le xvie siècle. — 1° Avant les controverses entre thomistes et molinistes. — Celte période, qui embrasse presque tout le xvie siècle, profondément troublée par les luttes contre le protestantisme envahissant, semble avoir, au point de vue de l’augustinisme, un double caractère dans la théologie catholique : d’une part, fermeté inébranlable à soutenir les deux dogmes de la grâce toute-puissante et de la liberté humaine, et de l’autre, confusion, vague et obscurité quand il s’agit de les accorder. Trois faits à signaler :

1. L'étude de saint Augustin prend un nouvel essor, favorisé par les éditions qui se succèdent rapidement, voir col. 2315 ; excité par l’insistance de Luther et de Calvin à imposer à ce Père leur déterminisme divin, réclamé enfin par le renouvellement de la théologie obligée de se rajeunir après la triste décadence du xve siècle. Mais pour certains l'étude trop exclusive de ce seul Père, préparait déjà, par exemple à Louvain, non seulement dans Baius, mais dans de nombreux amis, des exagérations et des nouveautés qui pendant longtemps allaient troubler l'Église.

2. Le 'progrès le plus sensible et le plus continu pendant tout ce siècle, c’est sans contredit l’affirmation nette et catégorique du rôle de la liberté sous l’action de la grâce, et cela est naturel, puisque les réformateurs proclamaient le serf arbitre au lieu du libre arbitre.

a) Voici le double aspect sous lequel on envisageait la question : a. D’abord dépend-il de la volonté', sous l’action de la grâce, de donner ou de refuser son consentement'.' Peut-elle résistera la grâce '.'à Dieu qui la sollicite ? Ou encore : la même grâce peut-elle être eflicace ou inefficace selon que la volonté' consentira ou non ? Et comme celle dernière formule peut sembler contradictoire, on se demandait : La même grâce peutelle, dans l’un obtenir le consentement, dans l’autre trouver un relus, et cela en supposant les mêmes difficultés dans les deux et les mêmes dispositions ? — b. Autre aspect du problème : La grâce est-elle donnée à tous, quand elle est nécessaire pour ne pas pécher ? Peut-on admettre que quelqu’un ait mal au, parce que e lui a manqué?

'/) Or, la réponse à peu près unanime des théologiens proclamait la liberté absolue de repousser la grâce de Dieu, et la distribution généreuse de celle grâce par Dieu, au point que toul damné devait imputer à bs seule

obstination la perte de son salut. De ce fait on a les témoignages les plus solennels : a. En 1528 le concile de Sens (tenu à Paris, dont l'évêque était suffragant de Sens, sous la présidence du cardinal Duprat, archevêque de Sens, et chancelier de France, « un des plus mémorables conciles qui aient jamais été célébrés dans l'Église de France, » d’après Jager, Hist. de l'Église cathol. en France, t. xiv, p. 410), promulgua contre le luthéranisme une série de décrets doctrinaux : le 15e s’exprime avec une netteté absolue sur les deux questions. Après avoir affirmé la nécessité de la grâce prévenante, il ajoute : Neque tamen tanta gratise nécessitas libero prœj udicat arbitrio, cum illa semper sil in prompt » , nec momentum quidem prælereat, in quo Deus non slel ad ostium et pulset : eut si ijuis aperuerit januam, intrabit ad illum, et cœnabil cum Mo. Voilà l’universalité de la grâce nettement vengée des accusations de pélagianisme trop souvent formulées contre cette doctrine. Voici maintenant le pouvoir de résister à la grâce, et, il faut le remarquer, non pas aune grâce quelconque, ainsi que plusieurs ont essayé de l’expliquer, mais à la grâce efficace elle-même, à celle qui, dans le langage augustinien, entraîne et soumet la volonté : Ncc denique laie sit hujusnwdi trahentis Dei auxilium, cui resisti non possit. Quoties enim Dominus volrit congregare filios Jérusalem…, et noluerunt ? Condl.Senon., a. 5, Mansi, réimpr. de Leipzig, 1901, t. xxxii, col. 1176 ; Hardouin, Concil., t. ix, col. 1946. Cf. Jager, Hist. de l'Église calh. en France, t. xiv, p. 39 i- 108. Et, pour dissiper tout doute, en même temps que le texte des décrets, parut le commentaire rédigé par un de ses théologiens, Josse Clichtoue, accentuant la pensée des Pères. Se proposant l’objection luthérienne :.Si traxerit nos Pater, non possumus trahenlem non sequi, il répond en décrivant l’action divine comme une invitation laissant tout pouvoir de résister : Vocal et trahit Deus ad se hommes, non vint inferendo voluntatie ! eam cogendn, sol ipsam hortaudo excitandoque ad bonum. Quant hortationrm et traction sci/iii possunt, qui vocantur, si velint…, aut rejicere si volueHnt, obsepiendo aw’cs cordis et obnilendo divino traclui… ; contranitendo huic divinæ attraction ! …Josse Clichtoue, Compendium veritatum contra lutheranos ex actis conc. Senonensis, in-fol., Paris, 1529, fol. 132 sq. Comment exprimer plus formellement le pouvoir de résister à la grâce la plus efficace, divino traclui ? Telle était la doctrine des théologiens, et en particulier de l’université de Paris. Sans doute le concile de Sens n’est pas infaillible, mais il est un précieux témoin historique de la pensée de cette époque.

b. Ce pouvoir de résister à toute grâce était enseigné par bs apologistes si connus, Driedon, Tapper, Cuner, Stapleton, avec une telle conviction, qu’on n’a pu révoquer en doute leur pensée, mais qu’on les a suspectés d’avoir dépassé parfois la mesure. Voir Serry, Hist. congregat. de aux., 1. V, sect. ii, c. v, Venise, 1740, p. 640.

c. In docu ni remarquable prouve qu’il en était de

même dans toute l'Église, et spécialement dans les universités, C’est la lettre écrite en 1551 par l’illustre dominicain Pierre Solo au chancelier de l’université de Louvain ; il constate (avec effroi, nous dirons pourquoi) que deux idées dominent la théologie du temps, l’une, ' que la grâce nécessaire n’est refusée à personne, »

l’autre, « que la grâce, une fois donnée, laisse la libei té d’en user ou de la rejeter, d Parcourant les pays (le l’Europe il trouve ces affirmations partout, ita ni videotur jam tota Ecclesia m hanc trahi sententiam. Enfin, dit-il, eiiie doctrine, elle est donnée comme « l’interprétation vraie de saint Augustin et des Pères, plusieurs veulent même qu’elle ait été définie au concile de Trente. Pierre Soto, Epist. ad Rtiard. Tapperum dans l’appendice de Reginald, <. l'.. De mente » . conc. Trident., Anvers, 17<x ;. cf. Schneemann, s., l., Controvérs. do