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naturellement modéré, mais alors poussé à bout, évoquer pour la première fois les terribles souvenirs de la révolution de 1830, la donner en quelque sorte pour exemple et suggérer involontairement l’idée de l’imiter.

On sait que le résultat de cette discussion enflammée fut une sorte de cartel échangé entre le gouvernement et l’opposition ; on se donna de part et d’autre rendez-vous à la barre de la justice ; il fut tacitement convenu que les opposants se réuniraient dans un dernier banquet ; que le pouvoir, sans empêcher cette réunion, en poursuivrait les auteurs et que les tribunaux prononceraient.

Les débats de l’adresse furent clos, s’il m’en souvient bien, le 12 février ; c’est vraiment à partir de ce moment que le mouvement révolutionnaire se précipita ; l’opposition constitutionnelle, qui n’avait cessé depuis plusieurs mois d’être poussée par le parti radical, fut dirigée et conduite de ce jour-là moins par les hommes de ce parti qui occupaient des sièges dans la Chambre des députés (la plupart de ceux-là s’étaient attiédis et comme énervés dans l’atmosphère parlementaire) que par les hommes plus jeunes, plus hardis et moins pourvus, qui écrivaient dans la presse démagogique. Cette substitution apparut surtout dans deux grands faits, qui eurent une influence prépondérante sur les