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t-il, si vous le voulez ? Non. Vous arriverez donc à un moment où il faudra s’arrêter, tenir bon sur votre terrain, résister à l’effort combiné de la nation et du pouvoir exécutif, c’est-à-dire, d’une part devenir impopulaire, et de l’autre perdre cet appui, ou du moins cette neutralité électorale du gouvernement que vous voulez ; vous vous serez asservi, vous aurez accru immensément les forces qui vous sont contraires, voilà tout. Je vous prédis ceci : ou vous passerez complètement, et jusqu’à la fin, sous les fourches caudines du président, ou vous perdrez au moment de le recueillir tout le fruit de la manœuvre que vous faites, et vous aurez pris seulement, devant vous-même et votre pays, la responsabilité d’avoir contribué à élever ce pouvoir qui sera peut-être, malgré la médiocrité de l’homme, mais par la puissance extraordinaire des circonstances, l’héritier de la révolution et notre maître.

Berryer me parut rester interdit, et l’heure étant venue de nous séparer, nous nous quittâmes.