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III

Traces du 24 février 1848.
Efforts de M. Dufaure pour empêcher la révolution de Février. Responsabilité de M. Thiers, qui les rend impuissants.

Aujourd’hui (19 octobre 1850), Rivet rappelle et constate avec moi les circonstances d’un incident très digne d’être gardé en mémoire.

Dans la semaine qui précéda celle où la monarchie fut renversée, un certain nombre de députés conservateurs conçurent des inquiétudes que le ministère et leurs collègues ne partageaient pas. Ils pensèrent qu’il était préférable de renverser le cabinet, pourvu que ce fût sans violence, que de courir l’aventure des banquets. L’un d’eux, M. Sallandrouze, s’adressa à M. Billault et lui proposa ceci (le banquet devait avoir lieu le mardi 22) : Dans la journée du 21, M. Dufaure et ses amis présenteraient un ordre du jour motivé dont la rédaction serait convenue avec Sallandrouze et ceux au nom desquels il parlait, dont il donna les noms et qui étaient au nombre de quarante. L’ordre du jour serait voté par eux, à la condition que, de son côté, l’opposition renoncerait au banquet et arrêterait le peuple.

Dimanche 20 février, nous nous réunîmes chez Rivet pour discuter cette proposition. Étaient présents, autant que je puis m’en souvenir, Dufaure, Billault, Lanjuinais, Corcelles, Ferdinand Barrot, Talabot, Rivet et moi.