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cette paix se fît sans retard. La guerre générale pouvait, à chaque instant, sortir de ce petit coin du continent. Le Piémont d’ailleurs était trop près de nous, pour que nous pussions souffrir qu’il perdît ni son indépendance qui le séparait de l’Autriche, ni les institutions constitutionnelles, nouvellement acquises, qui le rapprochaient de nous ; deux biens qui couraient pourtant les plus grands hasards, si l’on avait encore recours aux armes.

Je m’entremis donc très ardemment, au nom de la France, entre les deux parties, tenant à chacune d’elles le langage que je croyais le plus propre à convaincre.

À l’Autriche je faisais remarquer combien il était pressant d’assurer la paix générale de l’Europe par cette paix particulière, et je m’efforçais de lui montrer ce qu’il y avait d’excessif dans ses demandes.

Au Piémont, j’indiquais les points sur lesquels il me paraissait que l’honneur et l’intérêt lui permettaient de céder. Je m’attachais surtout à donner d’avance à son gouvernement des idées nettes et précises sur ce qu’il pouvait attendre de nous, afin qu’il ne lui fût pas permis de concevoir ou de feindre avoir conçu des illusions dangereuses[1]. Je n’entrerai pas dans le détail des con-

  1. Dépêche du 4 juillet 1849, à M. Boislecomte :

    « Les conditions qui sont faites au Piémont par Sa Majesté l’empereur d’Autriche sont rigoureuses sans doute, mais cependant elles ne menacent pas ce royaume dans l’intégrité de son territoire, ni dans son honneur.