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teur, en disant qu’il était bien singulier que le prince n’eût pas le pouvoir de récompenser ceux qui avaient souffert pour sa cause, je lui répondis : « Monsieur, ce que le président a de mieux à faire est d’oublier qu’il a été un prétendant et de se souvenir qu’il est ici pour faire les affaires de la France et non les vôtres. »

L’affaire de Rome, dans laquelle, ainsi que je le dirai plus loin, je soutins fermement sa politique, jusqu’au moment où elle devint excessive et déraisonnable, acheva de me mettre dans ses bonnes grâces ; il m’en donna un jour une grande preuve. Beaumont, durant sa courte ambassade en Angleterre, à la fin de 1848, avait tenu sur Louis Napoléon, alors candidat à la présidence, des propos fort outrageants, qui, rapportés à celui-ci, lui avaient causé une irritation extrême. J’avais plusieurs fois essayé, depuis que j’étais ministre, de rétablir Beaumont dans l’esprit du président ; mais je n’aurais jamais osé proposer de l’employer, quelque capable qu’il fût et quelque désir que j’en eusse. L’ambassade de Vienne vint à vaquer vers le mois de septembre 1849. C’était un des postes les plus importants qu’il y eût, en ce moment, dans notre diplomatie à cause des affaires d’Italie et de Hongrie. Le président me dit de lui-même : « Je vous propose de donner l’ambassade de Vienne à M. de Beaumont. J’ai eu, en effet, fort à me plaindre de lui,