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eut été prononcée, on apprit que l’insurrection était étouffée. Changarnier et le président, à la tête de la cavalerie, avaient coupé et dispersé la colonne qui se dirigeait vers l’Assemblée. Quelques barricades à peine élevées avaient été détruites presque sans coup férir. Les Montagnards, cernés dans le Conservatoire des arts et métiers, dont ils avaient fait leur quartier général, étaient ou arrêtés ou en fuite. Nous étions maîtres de Paris.

Le même mouvement eut lieu dans plusieurs grandes villes, avec plus d’intensité, mais non moins de succès. À Lyon, on se battit durant cinq heures avec acharnement, et la victoire fut un moment douteuse. Du reste, vainqueurs à Paris, nous nous inquiétions peu des provinces, car nous savions qu’en France, pour l’ordre comme contre l’ordre, Paris fait loi.

Ainsi finit la seconde insurrection de Juin, très différente de la première par la violence et la durée, mais semblable par les causes qui la firent échouer. Lors de la première, le peuple, entraîné moins par des opinions que par des appétits, avait combattu seul, sans pouvoir attirer ses représentants à sa tête. Cette fois, les représentants n’avaient pu se faire suivre par le peuple au combat. En juin 1848, les chefs manquèrent à l’armée ; en juin 1849, l’armée aux chefs.

C’étaient de singuliers personnages que ces Monta-