Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

balourdises. Cette fois, il eut la naïveté de nous apprendre qu’il continuait à être partisan des deux Chambres, mais qu’il voterait pour la Chambre unique parce que l’opinion publique le poussait et qu’il ne voulait pas, ce furent ses propres mots, lutter contre le courant. Cette candeur chagrina fort ceux qui faisaient comme lui, et nous réjouit beaucoup, Barrot et moi, mais ce fut la seule satisfaction que nous eûmes ; car au vote nous ne nous trouvâmes que trois.

Cette chute à plat me découragea un peu de la lutte, et acheva de faire perdre son assiette à Barrot. Il ne vint plus que de loin en loin et pour donner des signes d’impatience ou de dédain plutôt que des avis.

On passa au pouvoir exécutif. Malgré tout ce que j’ai dit des circonstances du temps et des dispositions de la commission, on aura encore peine à croire qu’un sujet si immense, si difficile, si nouveau n’y fournît la matière d’aucun débat général, ni même d’aucune discussion fort approfondie.

On était unanime pour confier le pouvoir exécutif à un seul homme. Mais quelles prérogatives et quels agents lui donner, quelle responsabilité lui imposer ? Il est clair qu’aucune de ces questions ne pouvait être traitée d’une manière arbitraire ; que chacune d’elles avait un rapport nécessaire avec toutes les autres et surtout ne pouvait être décidée qu’en vue de l’état par-