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dans les petites rues des faubourgs ? Non ! non ; nous laissons les insurgés se concentrer dans les quartiers que nous ne pouvons leur disputer et nous irons ensuite les y détruire. Ils ne nous échapperont pas cette fois. »

Comme je rentrais à l’Assemblée, il survint un orage épouvantable qui inonda la ville. J’espérais un peu que ce mauvais temps nous tirerait d’affaire pour ce jour-là ; et il eût suffi, en effet, pour faire avorter une émeute ordinaire : car le peuple de Paris a besoin de beau temps pour se battre, et il craint plus la pluie que la mitraille.

Je perdis bientôt cet espoir ; à chaque instant, les nouvelles devenaient plus inquiétantes. L’Assemblée qui a voulu reprendre ses travaux ordinaires a peine à les suivre ; agitée mais non encore vaincue par l’émotion du dehors, elle sort de son ordre du jour, y rentre, en sort encore, l’abandonne enfin et se livre aux seules préoccupations de la guerre civile. Divers membres viennent raconter à la tribune ce qu’ils ont vu dans Paris. D’autres y proposent des partis à prendre. Falloux, au nom du Comité de l’assistance publique, vient proposer un décret qui dissout les ateliers nationaux, et on l’applaudit. Le temps se consume en vaines conversations, en vains discours. On ne savait rien de précis ; on réclamait à tout moment la présence de la commission exécutive pour connaître l’état de Paris :