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ment préoccupé d’un certain effet qu’il veut produire à ce moment-là.

Je n’avais pas revu Lamartine depuis la journée du 24 février. Je l’aperçus pour la première fois la veille de la réunion de l’Assemblée dans la nouvelle salle où je venais choisir mon siège, mais je ne lui parlai pas ; il était entouré alors de quelques-uns de ses nouveaux amis. Dès qu’il m’aperçut, il feignit d’avoir affaire à l’autre bout de la salle et s’éloigna de moi précipitamment. Il me fit dire ensuite par Champeaux (qui lui appartenait moitié comme ami, et moitié comme domestique) qu’il ne fallait pas que je trouvasse mauvais qu’il m’évitât, que sa position l’obligeait d’en agir ainsi à l’égard des anciens hommes parlementaires, que ma place était, du reste, marquée parmi les futurs conducteurs de la république, mais qu’il fallait attendre que les premières difficultés du moment fussent surmontées pour pouvoir directement nous entendre. Champeaux se dit, de plus, chargé de me demander mon avis sur l’état des affaires ; je le donnai très volontiers, mais très inutilement. Cela établit de certains rapports indirects entre Lamartine et moi par l’intermédiaire de Champeaux. Celui-ci me vint voir souvent pour me faire part, au nom de son patron, des incidents qui se préparaient, et je l’allai voir quelquefois dans une petite chambre qu’il occupait sous les combles