Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.

allemandes de petites républiques riches et éclairées, existent encore au dix-huitième ; mais elles n’offrent plus que de vaines apparences. Leurs prescriptions paraissent en vigueur ; les magistrats qu’elles ont établis portent les mêmes noms et semblent faire les mêmes choses ; mais l’activité, l’énergie, le patriotisme communal, les vertus mâles et fécondes qu’elles ont inspirées ont disparu. Ces anciennes institutions se sont comme affaissées sur elles-mêmes sans se déformer.

Tous les pouvoirs du moyen âge qui subsistent encore sont atteints de la même maladie ; tous font voir le même dépérissement et la même langueur. Bien plus, tout ce qui, sans appartenir en propre à la constitution de ce temps, s’y est trouvé mêlé et en a retenu l’empreinte un peu vive, perd aussitôt sa vitalité. Dans ce contact, l’aristocratie contracte une débilité sénile ; la liberté politique elle-même, qui a rempli tout le moyen âge de ses œuvres, semble frappée de stérilité partout où elle conserve les caractères particuliers que le moyen âge lui avait donnés. Là où les assemblées provinciales ont gardé, sans y rien changer, leur antique constitution, elles arrêtent le progrès de la civilisation plutôt qu’elles n’y aident ; on dirait qu’elles sont étrangères et comme impénétrables à l’esprit nouveau des temps. Aussi le cœur du peuple leur échappe et tend vers les princes. L’antiquité de ces institutions ne les a pas rendues vénérables ; elles se discréditent, au contraire, chaque jour en vieillissant ; et, chose étrange, elles inspirent d’autant plus de haine qu’étant plus en décadence elles semblent moins