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mes, dont il est question plus haut, avait été l’œuvre d’un parti et ne reproduisait pas exactement le caractère de cette immense enquête ; mais, en comparant l’un à l’autre, j’ai trouvé la plus grande ressemblance entre le grand tableau et la copie réduite [ Résumé Général ou Extrait des Cahiers de Pouvoirs, Instructions, Demandes et Doléances, remis par les divers Bailliages, Sénéchaussées et pays d’États du Royaume, à leurs Députés à l’Assemblée des États Généraux, ouverts à Versailles le 4 mai 1789 par Une Société de Gens de Lettres, 3 tomes, 1789. (Note de J.-P. Mayer.) ].

L’extrait des cahiers de la noblesse que je donne ici fait connaître au vrai le sentiment de la grande majorité de cet ordre. On y voit clairement ce que celle-ci voulait obstinément retenir des anciens privilèges, ce qu’elle était peu éloignée d’en céder, ce qu’elle offrait elle-même d’en sacrifier. On y découvre surtout en plein l’esprit qui l’animait tout entière alors à l’égard de la liberté politique. Curieux et triste tableau !

Droits individuels. Les nobles demandent, avant tout, qu’il soit fait une déclaration explicite des droits qui appartiennent à tous les hommes, et que cette déclaration constate leur liberté et assure leur sûreté.

Liberté de la personne. Ils désirent qu’on abolisse la servitude de la glèbe là où elle existe encore, et qu’on cherche les moyens de détruire la traite et l’esclavage des nègres ; que chacun soit libre de voyager ou de fixer sa demeure où il le veut, soit au dedans, soit au dehors du royaume, sans qu’il puisse être arrêté arbitrairement ; qu’on réforme l’abus des règlements de police et que la police soit dorénavant entre les mains des juges, même en cas d’émeute ; que personne ne puisse être arrêté et jugé que par ses juges naturels ; qu’en conséquence, les prisons d’État et autres lieux de détention illégaux soient supprimés. Quelques-uns demandent la démolition de la Bastille. La noblesse de Paris insiste notamment sur ce point.

Toutes lettres closes ou de cachet doivent être prohibées. — Si le danger de l’État rend nécessaire l’arrestation d’un citoyen sans qu’il soit livré immédiatement aux cours ordinaires de justice, il faut prendre des mesures pour empêcher