Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/403

Cette page a été validée par deux contributeurs.

contact du self-government l’aurait profondément modifiée et rapidement transformée ou détruite.



Les libertés provinciales peuvent subsister quelque temps sans que la liberté nationale existe, quand ces libertés sont anciennes, mêlées aux habitudes, aux mœurs et aux souvenirs, et que le despotisme, au contraire, est nouveau ; mais il est déraisonnable de croire qu’on puisse, à volonté, créer des libertés locales, ou même les maintenir longtemps, quand on supprime la liberté générale.



Turgot, dans un Mémoire au roi, résume de cette façon, qui me paraît très-exacte, quelle était l’étendue vraie des privilèges des nobles en matière d’impôt :

« 1o Les privilégiés peuvent faire valoir en exemption de toute imposition taillable une ferme de quatre charrues, qui porte ordinairement, dans les environs de Paris, 2,000 francs d’imposition.

» 2o Les mêmes privilégiés ne payent absolument rien pour les bois, prairies, vignes, étangs, ainsi que pour les terres encloses qui tiennent à leurs châteaux, de quelque étendue qu’elles soient. Il y a des cantons dont la principale production est en prairies ou en vignes ; alors le noble qui fait régir ses terres s’exempte de toute imposition, qui retombe à la charge du taillable ; second avantage qui est immense. »