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losophique et très-abstraite, et qui ressemblent sous beaucoup de rapports à ceux qui remplissent la Déclaration des droits de l’homme dans la constitution de 1791.

On y proclame que le bien de l’État et de ses habitants y est le but de la société et la limite de la loi ; que les lois ne peuvent borner la liberté et les droits des citoyens que dans le but de l’utilité commune ; que chaque membre de l’État doit travailler au bien général dans le rapport de sa position et de sa fortune ; que les droits des individus doivent céder devant le bien général.

Nulle part il n’est question du droit héréditaire du prince, de sa famille, ni même d’un droit particulier, qui serait distinct du droit de l’État. Le nom de l’État est déjà le seul dont on se serve pour désigner le pouvoir royal.

Par contre, on y parle du droit général des hommes : les droits généraux des hommes se fondent sur la liberté naturelle de faire son propre bien sans nuire au droit d’autrui. Toutes les actions qui ne sont pas défendues par la loi naturelle ou par une loi positive de l’État sont permises. Chaque habitant de l’État peut exiger de celui-ci la défense de sa personne et de sa propriété, et a le droit de se défendre lui-même par la force, si l’État ne vient à son aide.

Après avoir exposé ces grands principes, le législateur, au lieu d’en tirer, comme dans la constitution de 1791, le dogme de la souveraineté du peuple et l’organisation d’un gouvernement populaire dans une société libre, tourne court et va à une autre conséquence également démocratique, mais non libérale ; il considère le prince comme le seul représentant de l’État, et lui donne tous les droits qu’on vient de reconnaître à la société. Le souverain n’est plus dans ce code le représentant de Dieu, il n’est que le représentant de la société, son agent, son serviteur, comme l’a imprimé en toutes lettres Frédéric dans ses œuvres ; mais il la représente seul, il en exerce seul tous les pou-