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par un arrêt du conseil du roi. Cette partie de la justice qu’on nomme aujourd’hui le contentieux administratif, n’y était pas moins étendue que dans le reste de la France ; elle l’y était même plus. L’intendant décidait en premier ressort toutes les questions de voirie ; il jugeait tous les procès en matière de chemins, et, en général, il prononçait sur toutes les affaires dans lesquelles le gouvernement était ou se croyait intéressé. Celui-ci n’y couvrait pas moins qu’ailleurs tous ses agents contre les poursuites indiscrètes des citoyens vexés par eux.

Qu’avait donc le Languedoc de particulier qui le distinguât des autres provinces et qui en fît pour celles-ci un sujet d’envie ? Trois choses qui suffisaient pour le rendre entièrement différent du reste de la France :

1o Une assemblée composée d’hommes considérables, accréditée dans la population, respectée par le pouvoir royal, dont aucun fonctionnaire du gouvernement central, ou, suivant la langue d’alors, aucun officier du roi ne pouvait faire partie, et où l’on discutait chaque année librement et sérieusement les intérêts particuliers de la province. Il suffisait que l’administration royale se trouvât placée à côté de ce foyer de lumières pour qu’elle exerçât ses privilèges tout autrement, et que, avec les mêmes agents et les mêmes intérêts, elle ne ressemblât point à ce qu’elle était partout ailleurs.

2o Il y avait dans le Languedoc beaucoup de travaux publics qui étaient exécutés aux dépens du roi et par ses agents ; il y en avait d’autres où le gouvernement