Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/203

Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHAPITRE XII


comment, malgré les progrès de la civilisation, la condition du paysan français était quelquefois pire, au dix-huitième siècle, qu’elle ne l’avait été au treizième.


Au dix-huitième siècle, le paysan français ne pouvait plus être la proie de petits despotes féodaux  ; il n’était que rarement en butte à des violences de la part du gouvernement ; il jouissait de la liberté civile et possédait une partie du sol ; mais tous les hommes des autres classes s’étaient écartés de lui, et il vivait plus seul que cela ne s’était vu nulle part peut-être dans le monde. Sorte d’oppression nouvelle et singulière, dont les effets méritent d’être considérés très-attentivement à part.

Dès le commencement du dix-septième siècle, Henri IV se plaignait, suivant Péréfixe, que les nobles abandonnassent les campagnes. Au milieu du dix-huitième, cette désertion est devenue presque générale ; tous les