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sa mort ; et j’admire la singulière sagacité de Comines quand il dit : « Charles VII, qui gagna ce point d’imposer la taille à son plaisir, sans le consentement des États, chargea fort son âme et celle de ses successeurs, et fit à son royaume une plaie qui longtemps saignera. »

Considérez comment la plaie s’est élargie, en effet, avec le cours des ans ; suivez pas à pas le fait dans ses conséquences.

Forbonnais dit avec raison, dans les savantes Recherches sur les finances de la France, que, dans le moyen-âge, les rois vivaient généralement des revenus de leurs domaines ; « et, comme les besoins extraordinaires, ajoute-t-il, étaient pourvus par des contributions extraordinaires, elles portaient également sur le clergé, la noblesse et le peuple. »

La plupart des impôts généraux votés par les trois ordres, durant le quatorzième siècle, ont, en effet, ce caractère. Presque toutes les taxes établies à cette époque sont indirectes, c’est-à-dire qu’elles sont acquittées par tous les consommateurs indistinctement. Parfois l’impôt est direct ; il porte alors, non sur la propriété, mais sur le revenu. Les nobles, les ecclésiastiques et les bourgeois sont tenus d’abandonner au roi, durant une année, le dixième, par exemple, de tous leurs revenus. Ce que je dis là des impôts votés par les États-généraux, doit s’entendre également de ceux qu’établissaient, à la même époque, les différents États provinciaux sur leurs territoires.