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le montrer plus loin. Personne cependant dans le village, excepté les gentilshommes, ne pouvait échapper à cette charge : plutôt que de s’y soumettre, le roturier riche louait son bien et se retirait à la ville prochaine. Turgot est d’accord avec tous les documents secrets que j’ai eu l’occasion de consulter, quand il nous dit « que la collecte de la taille change en bourgeois des villes presque tous les propriétaires roturiers des campagnes ». Ceci est, pour le dire en passant, l’une des raisons qui firent que la France était plus remplie de villes, et surtout de petites villes, que la plupart des autres pays d’Europe.

Cantonné ainsi dans des murailles, le roturier riche perdait bientôt les goûts et l’esprit des champs ; il devenait entièrement étranger aux travaux et aux affaires de ceux de ses pareils qui y étaient restés. Sa vie n’avait plus, pour ainsi dire, qu’un seul but : il aspirait à devenir dans sa ville adoptive un fonctionnaire public.

C’est une très-grande erreur de croire que la passion de presque tous les Français de nos jours, et en particulier de ceux des classes moyennes, pour les places, soit née depuis la Révolution ; elle a pris naissance plusieurs siècles auparavant, et elle n’a cessé, depuis ce temps, de s’accroître, grâce à mille aliments nouveaux qu’on a eu soin de lui donner.

Les places, sous l’ancien régime, ne ressemblaient pas toujours aux nôtres, mais il y en avait encore plus, je pense ; le nombre des petites n’avait presque pas de