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torzième siècle, dont plusieurs ont eu un caractère irrégulier et révolutionnaire que les malheurs du temps leur donnèrent, mais dans les États particuliers du même temps, où rien n’indique que les affaires ne suivissent pas la marche régulière et habituelle. C’est ainsi qu’on voit, en Auvergne, les trois ordres prendre en commun les plus importantes mesures et en surveiller l’exécution par des commissaires choisis également dans tous les trois. Le même spectacle se retrouve à la même époque en Champagne. Tout le monde connaît cet acte célèbre par lequel les nobles et les bourgeois d’un grand nombre de villes s’associèrent, au commencement du même siècle, pour défendre les franchises de la nation et les privilèges de leurs provinces contre les atteintes du pouvoir royal. On rencontre à ce moment-là, dans notre histoire, plusieurs de ces épisodes qui semblent tirés de l’histoire d’Angleterre. De pareils spectacles ne se revoient plus dans les siècles suivants.

À mesure, en effet, que le gouvernement de la seigneurie se désorganise, que les États-généraux deviennent plus rares ou cessent, et que les libertés générales achèvent de succomber, entraînant les libertés locales dans leur ruine, le bourgeois et le gentilhomme n’ont plus de contact dans la vie publique. Ils ne sentent plus jamais le besoin de se rapprocher l’un de l’autre et de s’entendre ; ils sont chaque jour plus indépendants l’un de l’autre, mais aussi plus étrangers l’un à l’autre. Au dix-huitième siècle, cette révolution est accomplie : ces