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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

même légitime, aux idées de son siècle et de son pays, il faut avoir dans l’esprit une certaine disposition violente et aventureuse, et que des gens de ce caractère, quelque direction qu’ils prennent, parviennent rarement au bonheur et à la vertu. Et c’est, pour le dire en passant, ce qui explique pourquoi, dans les révolutions les plus nécessaires et les plus saintes, il se rencontre si peu de révolutionnaires modérés et honnêtes.

Que, dans un siècle d’aristocratie, un homme s’avise par hasard de ne consulter dans l’union conjugale d’autres convenances que son opinion particulière et son goût, et que le désordre des mœurs et la misère ne tardent pas ensuite à s’introduire dans son ménage, il ne faut donc pas s’en étonner. Mais, lorsque cette même manière d’agir est dans l’ordre naturel et ordinaire des choses ; que l’état social la facilite ; que la puissance paternelle s’y prête, et que l’opinion publique la préconise, on ne doit pas douter que la paix intérieure des familles n’en devienne plus grande, et que la foi conjugale n’en soit mieux gardée.

Presque tous les hommes des démocraties parcourent une carrière politique ou exercent une profession, et, d’une autre part, la médiocrité des fortunes y oblige la femme à se renfermer chaque jour dans l’intérieur de sa demeure, afin de pré-