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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

qu’on n’aimât à sentir le vin. Voulez-vous savoir des nouvelles de Rennes ? On a fait une taxe de cent mille écus, et si on ne trouve point cette somme dans vingt-quatre heures, elle sera doublée et exigible par les soldats. On a chassé et banni toute une grande rue, et défendu de recueillir les habitants sous peine de la vie ; de sorte qu’on voyait tous ces misérables, femmes accouchées, vieillards, enfants, errer en pleurs au sortir de cette ville, sans savoir où aller, sans avoir de nourriture, ni de quoi se coucher. Avant-hier on roua le violon qui avait commencé la danse et la pillerie du papier timbré ; il a été écartelé, et ses quatre quartiers exposés aux quatre coins de la ville. On a pris soixante bourgeois, et on commence demain à pendre. Cette province est un bel exemple pour les autres, et surtout de respecter les gouverneurs et les gouvernantes, et de ne point jeter de pierres dans leur jardin[1].

« Mme de Tarente était hier dans ses bois par un temps enchanté. Il n’est question ni de chambre ni de collation. Elle entre par la barrière et s’en retourne de même… »

Dans une autre lettre elle ajoute :

« Vous me parlez bien plaisamment de nos mi-

  1. Pour sentir l’à-propos de cette dernière plaisanterie, il faut se rappeler que Mme de Grignan était gouvernante de Provence.