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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

mide, retirée et presque claustrale, comme au temps de l’aristocratie, et nous les abandonnons ensuite tout à coup, sans guide et sans secours, au milieu des désordres inséparables d’une société démocratique.

Les Américains sont mieux d’accord avec eux-mêmes.

Ils ont vu que, au sein d’une démocratie, l’indépendance individuelle ne pouvait manquer d’être très-grande, la jeunesse hâtive, les goûts mal contenus, la coutume changeante, l’opinion publique souvent incertaine ou impuissante, l’autorité paternelle faible et le pouvoir marital contesté.

Dans cet état de choses, ils ont jugé qu’il y avait peu de chances de pouvoir comprimer chez la femme les passions les plus tyranniques du cœur humain, et qu’il était plus sûr de lui enseigner l’art de les combattre elle-même. Comme ils ne pouvaient empêcher que sa vertu ne fût souvent en péril, ils ont voulu qu’elle sût la défendre, et ils ont plus compté sur le libre effort de sa volonté que sur des barrières ébranlées ou détruites. Au lieu de la tenir dans la défiance d’elle-même, ils cherchent donc sans cesse à accroître sa confiance en ses propres forces. N’ayant ni la possibilité ni le désir de maintenir la jeune fille dans une perpétuelle et complète ignorance, ils