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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

il s’était établi de nouveaux rapports entre les différents membres de la famille, que la distance qui séparait jadis le père de ses fils était diminuée, et que l’autorité paternelle était sinon détruite, au moins altérée.

Quelque chose d’analogue, mais de plus frappant encore, se fait voir aux États-Unis.

En Amérique, la famille, en prenant ce mot dans son sens romain et aristocratique, n’existe point. On n’en retrouve quelques vestiges que durant les premières années qui suivent la naissance des enfants. Le père exerce alors, sans opposition, la dictature domestique, que la faiblesse de ses fils rend nécessaire, et que leur intérêt, ainsi que sa supériorité incontestables, justifie.

Mais, du moment où le jeune Américain s’approche de la virilité, les liens de l’obéissance filiale se détendent de jour en jour. Maître de ses pensées, il l’est bientôt après de sa conduite. En Amérique, il n’y a pas, à vrai dire, d’adolescence. Au sortir du premier âge, l’homme se montre et commence à tracer lui-même son chemin.

On aurait tort de croire que ceci arrive à la suite d’une lutte intestine, dans laquelle le fils aurait obtenu, par une sorte de violence morale, la liberté que son père lui refusait. Les mêmes habitudes, les mêmes principes qui poussent l’un, à se saisir de l’indépendance, disposent l’autre à en