Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/389

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
386
APPENDICE.

plus que les lois. Il n’accroîtra peut-être pas très-visiblement ses prérogatives, mais il en fera un autre et plus fréquent usage. Il grandira beaucoup en fait, restât-il le même en droit ; il se développera plus par l’interprétation que par le changement du pacte, et il dominera la Suisse avant d’être en état de la gouverner.

On peut prévoir également que ceux mêmes qui jusqu’à présent se sont le plus opposés à son extension régulière, ne tarderont pas à la désirer, soit pour échapper à la pression intermittente d’un pouvoir si mal constitué, soit pour se garantir de la tyrannie plus prochaine et plus pesante des gouvernements locaux.

Ce qu’il y a de certain, c’est que désormais, quelles que soient les modifications apportées à la lettre du pacte, la constitution fédérale de la Suisse est profondément et irrévocablement altérée. La Confédération a changé de nature. Elle est devenue en Europe une chose nouvelle ; une politique d’action a succédé pour elle à une politique d’inertie et de neutralité ; de purement municipale son existence est devenue nationale ; existence plus laborieuse, plus troublée, plus précaire et plus grande.

A. DE TOCQUEVILLE,
Membre de l’institut.