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APPENDICE.

ment, la religion catholique de s’étendre dans les lieux où elle ne règne pas. D’une autre part, il est fort ennemi des sectes dissidentes du protestantisme. Opposé au gouvernement du peuple, il l’est aussi à celui de la noblesse ; en religion, une église protestante régie par l’État ; en politique, un état régi par une aristocratie bourgeoise : tel semble être l’idéal de l’auteur. C’est Genève avant ses dernières révolutions.

Mais si l’on ne discerne pas toujours clairement ce qu’il aime, on aperçoit sans peine ce qu’il hait. Ce qu’il hait, c’est la démocratie. Atteint dans ses opinions, dans ses amitiés, dans ses intérêts peut-être, par la révolution démocratique qu’il décrit, il n’en parle jamais qu’en ennemi. Il n’attaque pas seulement la démocratie dans telles ou telles de ses conséquences, mais dans son principe même ; il ne voit pas les qualités qu’elle possède, il poursuit les défauts qu’elle a. Il ne distingue point, entre les maux qui en peuvent découler, ce qui est fondamental et permanent, et ce qui est accidentel et passager ; ce qu’il faut supporter d’elle comme inévitable et ce qu’on doit chercher à corriger. Peut-être le sujet ne pouvait-il pas être envisagé de cette manière par un homme aussi mêlé que l’a été M. Cherbuliez aux agitations de son pays. Il est permis de le regretter. Nous verrons, en poursuivant cette analyse, que la démocratie suisse a grand besoin qu’on l’éclaire sur l’imperfection de ses lois. Mais, pour le faire avec efficacité, la première condition était de ne point la haïr.

M. Cherbuliez a intitulé son œuvre : De la démocratie en Suisse. Ce qui pourrait faire croire qu’aux yeux de l’auteur la Suisse est un pays dans lequel on puisse faire sur la démocratie un ouvrage de doctrine, et où il soit permis