Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/358

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
355
NOTES.


NOTE PAGE 231.

Je viens, dans le chapitre auquel cette note se rapporte, de montrer un péril ; je veux en indiquer un autre plus rare, mais qui, s’il apparaissait jamais, serait bien plus à craindre.

Si l’amour des jouissances matérielles et le goût du bien-être que l’égalité suggère naturellement aux hommes, s’emparant de l’esprit d’un peuple démocratique, arrivaient à le remplir tout entier, les mœurs nationales deviendraient si antipathiques à l’esprit militaire, que les armées elles-mêmes finiraient peut-être par aimer la paix en dépit de l’intérêt particulier qui les porte à désirer la guerre. Placés au milieu de cette mollesse universelle, les soldats en viendraient à penser que mieux vaut encore s’élever graduellement mais commodément et sans efforts dans la paix, que d’acheter un avancement rapide au prix des fatigues et des misères de la vie des camps. Dans cet esprit, l’armée prendrait ses armes sans ardeur et en userait sans énergie ; elle se laisserait mener à l’ennemi plutôt qu’elle n’y marcherait elle-même.

Il ne faut pas croire que cette disposition pacifique de l’armée l’éloignât des révolutions, car les révolutions et