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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

Parce qu’une classe est basse, il ne faut pas croire que tous ceux qui en font partie aient le cœur bas. Ce serait une grande erreur. Quelque inférieure qu’elle soit, celui qui y est le premier, et qui n’a point l’idée d’en sortir, se trouve dans une position aristocratique qui lui suggère des sentiments élevés, un fier orgueil et un respect pour lui-même, qui le rendent propre aux grandes vertus, et aux actions peu communes.

Chez les peuples aristocratiques, il n’était point rare de trouver dans le service des grands, des âmes nobles et vigoureuses qui portaient la servitude sans la sentir, et qui se soumettaient aux volontés de leur maître sans avoir peur de sa colère.

Mais il n’en était presque jamais ainsi dans les rangs inférieurs de la classe domestique. On conçoit que celui qui occupe le dernier bout d’une hiérarchie de valets est bien bas.

Les Français avaient créé un mot tout exprès pour ce dernier des serviteurs de l’aristocratie. Ils l’appelaient le laquais.

Le mot de laquais servait de terme extrême, quand tous les autres manquaient, pour représenter

    et l’on s’étonne de retrouver parmi eux, aussi bien que parmi les membres les plus altiers d’une hiérarchie féodale, l’orgueil de la naissance, le respect pour les aïeux et les descendants, le mépris de l’inférieur, la crainte du contact, le goût de l’étiquette, des traditions et de l’antiquité.