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SUR LA SOCIÉTÉ POLITIQUE.

Cette vérité est généralement applicable ; mais voici ce qui se rapporte plus particulièrement aux nations de l’Europe.

Dans les siècles qui ont précédé ceux où nous vivons, l’aristocratie possédait le sol, et était en état de le défendre. La propriété immobilière fut donc environnée de garanties, et ses possesseurs jouirent d’une grande indépendance. Cela créa des lois et des habitudes qui se sont perpétuées, malgré la division des terres et la ruine des nobles ; et, de nos jours, les propriétaires fonciers et les agriculteurs sont encore de tous les citoyens ceux qui échappent le plus aisément au contrôle du pouvoir social.

Dans ces mêmes siècles aristocratiques, où se trouvent toutes les sources de notre histoire, la propriété mobilière avait peu d’importance, et ses possesseurs étaient méprisés et faibles ; les industriels formaient une classe exceptionnelle au milieu du monde aristocratique. Comme ils n’avaient point de patronage assuré, ils n’étaient point protégés, et souvent ils ne pouvaient se protéger eux-mêmes.

Il entra donc dans les habitudes de considérer la propriété industrielle comme un bien d’une nature particulière, qui ne méritait point les mêmes égards, et qui ne devait pas obtenir les mêmes garanties que la propriété en général, et les indus-