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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

déjà connus pour rassembler les mécontents, les régler et les conduire ; point de pouvoirs politiques placés au-dessous du pouvoir national, et qui viennent appuyer efficacement la résistance qu’on lui oppose.

Dans les contrées démocratiques, la puissance morale de la majorité est immense, et les forces matérielle dont elle dispose hors de proportion avec celles qu’il est d’abord possible de réunir contre elle. Le parti qui est assis sur le siége de la majorité, qui parle en son nom et emploie son pouvoir, triomphe donc, en un moment et sans peine, de toutes les résistances particulières. Il ne leur laisse pas même le temps de naître ; il en écrase le germe.

Ceux qui, chez ces peuples, veulent faire une révolution par les armes, n’ont donc d’autres ressources que de s’emparer à l’improviste de la machine toute montée du gouvernement, ce qui peut s’exécuter par un coup de main plutôt que par une guerre ; car, du moment où il y a guerre en règle, le parti qui représente l’état est presque toujours sûr de vaincre.

Le seul cas où une guerre civile pourrait naître serait celui où, l’armée se divisant, une portion lèverait l’étendard de la révolte et l’autre resterait fidèle. Une armée forme une petite société fort étroitement liée et très-vivace, qui est en état de se suffire quelque temps à elle-même. La guerre pour-