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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

elles, et de profondes agitations lui succèdent.

Comme tout ceci se passe au moment où les conditions s’égalisent, on en conclut qu’il existe un rapport caché et un lien secret entre l’égalité même et les révolutions, de telle sorte que l’une ne saurait exister sans que les autres ne naissent.

Sur ce point, le raisonnement semble d’accord avec l’expérience.

Chez un peuple où les rangs sont à peu près égaux, aucun lien apparent ne réunit les hommes et ne les tient fermes à leur place. Nul d’entre eux n’a le droit permanent, ni le pouvoir de commander, et nul n’a pour condition d’obéir ; mais chacun, se trouvant pourvu de quelques lumières et de quelques ressources, peut choisir sa voie, et marcher à part de tous ses semblables.

Les mêmes causes qui rendent les citoyens indépendants les uns des autres, les poussent chaque jour vers de nouveaux et inquiets désirs, et les aiguillonnent sans cesse.

Il semble donc naturel de croire que, dans une société démocratique, les idées, les choses et les hommes doivent éternellement changer de formes et de places et que les siècles démocratiques seront des temps de transformations rapides et incessantes.

Cela est-il en effet ? l’égalité des conditions porte-t-elle les hommes d’une manière habituelle