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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

tour simple et libre qu’on leur remarque quelquefois dans la démocratie ; elles sont tout à la fois gênées et sans gêne.

Ce n’est pas là l’état normal.

Quand l’égalité est complète et ancienne, tous les hommes ayant à peu près les mêmes idées et faisant à peu près les mêmes choses, n’ont pas besoin de s’entendre ni de se copier pour agir et parler de la même sorte ; on voit sans cesse une multitude de petites dissemblances dans leurs manières ; on n’y aperçoit pas de grandes différences. Ils ne se ressemblent jamais parfaitement, parce qu’ils n’ont pas le même modèle ; ils ne sont jamais fort dissemblables, parce qu’ils ont la même condition. Au premier abord, on dirait que les manières de tous les Américains sont exactement pareilles. Ce n’est qu’en les considérant de fort près, qu’on aperçoit les particularités par où tous diffèrent.

Les Anglais se sont fort égayés aux dépens des manières américaines ; et, ce qu’il y a de particulier, c’est que la plupart de ceux qui nous en ont fait un si plaisant tableau, appartenaient aux classes moyennes d’Angleterre, auxquelles ce même tableau est fort applicable. De telle sorte, que ces impitoyables détracteurs présentent d’ordinaire l’exemple de ce qu’ils blâment aux États-Unis ; ils ne s’aperçoivent pas qu’ils se raillent eux-mêmes,