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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

pour son oreille. On l’entretient des maux innombrables causés par l’orgueil et la convoitise. On lui parle de la nécessité de régler ses désirs, des jouissances délicates attachées à la seule vertu, et du vrai bonheur qui l’accompagne.

Rentré dans sa demeure, on ne le voit point courir aux registres de son négoce. Il ouvre le livre des saintes Ecritures ; il y trouve des peintures sublimes ou touchantes, de la grandeur et de la bonté du Créateur, de la magnificence infinie des œuvres de Dieu, de la haute destinée réservée aux hommes, de leurs devoirs et de leurs droits à l’immortalité.

C’est ainsi que, de temps en temps, l’Américain se dérobe en quelque sorte à lui-même, et que, s’arrachant pour un moment aux petites passions qui agitent sa vie et aux intérêts passagers qui la remplissent, il pénètre tout à coup dans un monde idéal où tout est grand, pur, éternel.

J’ai recherché dans un autre endroit de cet ouvrage, les causes auxquelles il fallait attribuer le maintien des institutions politiques des Américains, et la religion m’a paru l’une des principales. Aujourd’hui que je m’occupe des individus, je la retrouve et j’aperçois qu’elle n’est pas moins utile à chaque citoyen qu’à tout l’État.

Les Américains montrent, par leur pratique, qu’ils sentent toute la nécessité de moraliser la