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SUR LES SENTIMENTS DES AMÉRICAINS.

vaillant sans relâche à l’exécution de quelque dessein important et difficile, que la moindre révolution pourrait confondre, vous concevez aisément pourquoi ces gens si bien occupés ne sont point tentés de troubler l’État ni de détruire un repos public dont ils profitent.

Est-ce assez d’apercevoir ces choses séparément, et ne faut-il pas découvrir le nœud caché qui les lie ? C’est au sein des associations politiques que les Américains de tous les états, de tous les esprits et de tous les âges, prennent chaque jour le goût général de l’association, et se familiarisent à son emploi. Là, ils se voient en grand nombre, se parlent, s’entendent et s’animent en commun à toutes sortes d’entreprises. Ils transportent ensuite dans la vie civile les notions qu’ils ont ainsi acquises, et les font servir à mille usages.

C’est donc en jouissant d’une liberté dangereuse que les Américains apprennent l’art de rendre les périls de la liberté moins grands.

Si l’on choisit un certain moment dans l’existence d’une nation, il est facile de prouver que les associations politiques troublent l’État et paralysent l’industrie ; mais qu’on prenne la vie toute entière d’un peuple, et il sera peut-être aisé de démontrer que la liberté d’association en matière